Armand De Decker, à Washington, en juillet 2016. | ANDREW BIRAJ / AFP

L’ancien président du Sénat belge est intervenu auprès du ministère de la justice de son pays en faveur d’un oligarque belgo-kazakh faisant affaire avec la France, selon des éléments de l’enquête sur le « Kazakhgate », affirment samedi 5 novembre les médias Le Soir et Mediapart.

L’enquête dite du « Kazakhgate » porte sur des soupçons de corruption et de commissions occultes touchées en marge d’importants contrats conclus sous la présidence de Nicolas Sarkozy entre la France et le Kazakhstan.

Les deux médias, qui ont eu accès à une série des pièces judiciaires de l’affaire où apparaît le nom du libéral Armand De Decker, qualifient ce dernier de « sous-marin de l’Elysée ».

« En 2011, afin de préserver les intérêts de la France dans un contrat aéronautique avec le Kazakhstan, l’Elysée de Nicolas Sarkozy est bien intervenu de manière occulte auprès du ministre de la justice belge de l’époque, Stefaan De Clerck puis auprès de son cabinet ministériel afin d’obtenir une amélioration de la situation judiciaire du milliardaire belgo-kazakh Patokh Chodiev. Pour mener à bien ces interventions d’influences, l’ancien président du Sénat et ancien ministre Armand De Decker s’est réclamé de l’Elysée et a perçu plus de 740 000 euros d’honoraires pour 350 heures déclarées comme prestations d’avocat, prestations qu’aucune pièce de procédure judiciaire ne confirme. » (Le Soir)

Le parquet de Bruxelles avait annoncé à la fin d’octobre 2015 qu’il soupçonnait Armand De Decker d’avoir perçu de l’argent pour accélérer le vote d’une loi permettant au milliardaire Patokh Chodiev d’échapper à des poursuites belges pour plusieurs chefs d’inculpation, dont celui de corruption.

M. Chodiev, considéré comme proche du président kazakh Noursoultan Nazarbaïev, avait échappé à une lourde condamnation en versant 23 millions d’euros à l’Etat belge, une transaction qui a mis fin aux poursuites. La loi votée en un temps record au printemps 2011 avait élargi ce genre de « transaction pénale » aux faits de corruption, expliquait alors la presse belge.

« Avocat de l’Elysée »

Le quotidien belge et le site français rapportent deux visites de M. De Decker en compagnie d’une avocate française, Me Catherine Degoul. Dans un premier temps, les deux conseils se rendent un dimanche au domicile de Stefaan De Clerck, le ministre de la justice belge de l’époque, puis deux jours plus tard, au ministère à Bruxelles.

Selon un PV d’audition consulté par les deux médias, un collaborateur de M. De Clerck a affirmé aux enquêteurs que M. De Decker s’était revendiqué lors de cette seconde visite, en l’absence du ministre, comme avocat de l’Elysée, et que son intervention était « liée à l’octroi d’un marché en matière aéronautique entre le Kazakhstan et la France ». Interrogé par Le Soir, Armand De Decker reconnaît une visite au ministère mais nie avoir invoqué l’Elysée.

Les révélations du Soir et de Mediapart mettent à mal la défense de celui qui est actuellement bourgmestre (maire) d’Uccle, une commune de Bruxelles. M. De Decker va être « invité à venir s’expliquer » devant les instances de son parti politique, le MR (Mouvement réformateur).