La conférence des évêques de France se déroule à Lourdes jusqu’au 9 novembre. | LAURENT DARD / AFP

Messes, vêpres et jeûne pour les victimes de pédophilie : réunis à Lourdes, les évêques de France demandent pardon lundi 7 novembre pour leur « silence souvent coupable » face aux abus sexuels dans l’Eglise catholique, après des mois de scandales.

Le principe de ce « temps de prière et de pénitence » avait été annoncé en septembre par le Vatican, à l’initiative du pape François, qui a laissé à chaque conférence épiscopale le choix de la date et des modalités.

Les 115 évêques en activité profitent de leur grande assemblée annuelle d’automne pour vivre cette initiative collective inédite, marquée par un jeûne. Cette journée revêt une dimension particulière en France, dont l’Eglise est touchée depuis plusieurs mois par des révélations en chaîne d’affaires de pédophilie ou d’abus sexuels impliquant des prêtres. L’emblématique affaire du père Bernard Preynat, prêtre lyonnais soupçonné d’avoir abusé de près de 70 jeunes scouts, a fortement terni l’image du cardinal Philippe Barbarin, même si l’enquête pour non-dénonciation le visant a été classée sans suite.

L’onde de choc s’est propagée dans les diocèses de France, d’autant que d’autres cas ont été signalés ou ont resurgi à Paris, Montauban, Toulouse, Clermont-Ferrand, Orléans, Bayonne, en Guyane… L’Eglise a été pressée de réagir, jusque dans les rangs de ses fidèles les plus engagés, habités par l’« humiliation » et la « honte », selon les mots de la journaliste Isabelle de Gaulmyn, qui a consacré un livre à l’affaire Preynat.

Des dispositifs d’accueil et d’écoute des victimes mis en œuvre

La Conférence des évêques de France a annoncé mi-avril une série de mesures, dont une boîte mail dédiée au recueil de la parole des victimes. Une centaine de courriels ont été reçus en six mois pour des abus sexuels souvent antérieurs à 1970.

« Après avoir écouté ces derniers mois, pour un certain nombre, des victimes à plusieurs reprises », les évêques ont jugé important de pouvoir prendre « ensemble ce temps de prière », a souligné sur la chaîne de télévision KTO leur porte-parole, Mgr Olivier Ribadeau Dumas.

« Au cours de la messe, ils demanderont pardon, pardon pour leurs propres péchés, pardon pour leur silence – parfois coupable et souvent coupable –, pour ne pas avoir permis que la vérité éclate toujours », a ajouté le prélat.

L’homélie de cette messe de fin de matinée sera dite par Mgr Luc Crepy, responsable de la Cellule permanente de lutte contre la pédophilie (CPLP), une instance aux moyens renforcés depuis le printemps dernier. En fin d’après-midi, l’évêque du Puy-en-Velay fera un point d’étape sur les mesures engagées ces derniers mois, avec notamment la mise en œuvre de dispositifs d’accueil et d’écoute des victimes couvrant désormais tout le territoire français. En fin d’après-midi, les vêpres seront « solennisées » pour l’occasion. « Une parole de victime qui dit sa souffrance, sa douleur, son ressentiment » y sera entendue par les évêques, à huis clos, a précisé à l’AFP Mgr Crepy.

Une prière qui va résonner dans plusieurs paroisses

L’association La Parole libérée, à l’origine de l’affaire lyonnaise, reste perplexe. « Le temps de prière de lundi, les cellules d’écoute sont potentiellement une bonne chose, mais s’il n’y a pas de volonté de l’Eglise derrière, c’est insuffisant », estime son président, François Devaux.

Au-delà de leur « démarche spirituelle » de lundi, les évêques espèrent que tous « les acteurs de l’Église aient une conscience toujours plus vive de leur responsabilité à l’égard des personnes qui leur sont confiées ». Leur appel devrait résonner au-delà du sanctuaire marial pyrénéen, puisque la CEF a invité les fidèles « dans les diocèses qui le veulent à s’associer dans leurs communautés à ce moment de prière et de pénitence ».

Ainsi à Sainte-Foy-lès-Lyon, une messe sera dite à 19 heures dans la paroisse où a officié le père Preynat, et où devraient être allumées 70 bougies, nombre potentiel de ses victimes. Le cardinal Barbarin célébrera le 18 novembre une messe « en réparation de la profanation du corps vivant du Christ » que représentent les abus sexuels, en sa primatiale. « Les victimes qui le souhaitent y sont spécialement invitées », a-t-il précisé.