L’archevêque italien Claudio Maria Celli et le président vénézuélien Nicolas Maduro, au palais présidentiel, à Caracas, le 31 octobre. | HO / AFP

Editorial. Tout faire pour éviter un bain de sang au Venezuela et poursuivre coûte que coûte le dialogue entre le gouvernement du président Nicolas Maduro et l’opposition. Tel est l’appel de l’archevêque italien Claudio Maria Celli, envoyé par le pape François comme médiateur au Venezuela. « S’il advient qu’une partie ou une autre veut mettre fin au dialogue, ce n’est pas le pape, mais le peuple vénézuélien qui y perdra, parce que la voie ouverte pourrait être celle du sang », a mis en garde l’émissaire de Rome dans un entretien, publié samedi 5 novembre. Le dialogue doit reprendre le 11 novembre, après l’élection américaine.

Le peuple vénézuélien, on le sait, a déjà tout perdu, ou presque. Pénuries de denrées alimentaires, de produits d’hygiène et de médicaments ; hyperinflation, de 700 % par an ; dollar échangé à 2 000 bolivars sur le marché parallèle (contre 6,30 au taux officiel), dans une économie qui doit tout importer ; industrie pétrolière en ruine et endettée : le Venezuela est en faillite et menacé d’une explosion de mécontentement populaire.

La misère de ce pays sud-américain richissime en pétrole est l’héritage laissé par l’ancien président Hugo Chavez (1999-2013), sous l’influence d’un mentor intéressé par l’or noir vénézuélien, Fidel Castro. La rente pétrolière a été utilisée pour stimuler la consommation par des programmes clientélistes, sans pour autant sortir durablement les Vénézuéliens de la pauvreté par la création d’emplois et l’éducation. Une large part de ces pétrodollars est allée dans les poches d’une nouvelle bourgeoisie « bolivarienne ».

Régime en pleine dérive autoritaire

L’opposition, majoritaire à l’issue des élections législatives de décembre 2015, prétendait écourter le mandat du président chaviste Nicolas Maduro par un référendum révocatoire, comme l’y autorise la Constitution promulguée par Chavez. Cependant, dans un pays où le pouvoir est avant tout présidentiel, l’équipe Maduro a bloqué cette solution électorale et pacifique. Aux abois, le régime est en pleine dérive autoritaire : il criminalise la protestation et emprisonne les opposants. Faute de débouché politique, la frustration sociale pourrait prendre la forme de débordements, de saccages, de violences en tout genre.

La médiation du Vatican est donc la bienvenue pour calmer le jeu et rétablir les règles élémentaires de l’Etat de droit mises à mal par le président Maduro, à commencer par l’indépendance de la justice et des autorités électorales. Le gouvernement doit accepter les prérogatives de l’Assemblée nationale et les élus doivent chercher un accord avec l’exécutif. Le dialogue lancé par le Vatican doit aboutir à des résultats concrets dans les prochains jours : la libération de la centaine de prisonniers politiques, dont le maire de Caracas, Antonio Ledezma, et le dirigeant du parti Volonté populaire, Leopoldo Lopez, serait un premier gage de bonne volonté.

La négociation doit permettre de rendre la parole au peuple. Si un référendum révocatoire se révèle impossible, il conviendrait de convoquer des élections anticipées. Le mandat du président Maduro court jusqu’en janvier 2019, mais la crise est tellement aiguë que cette date semble trop lointaine si l’on veut éviter une révolution violente. Chavez citait ses nombreuses victoires électorales comme preuve de sa vocation démocratique : pour l’intérêt des Vénézuéliens, ses héritiers ne peuvent pas refuser de se soumettre au verdict des urnes.

Pénuries, manifestations, repression : pourquoi le Venezuela s'enfonce dans la crise
Durée : 05:10