« Make America Great Again : The Trump Presidency », un des nombreux jeux dédiés au candidat républicain.

Mieux que Mario ou Duke Nukem, l’un des héros phares du jeu vidéo indépendant en 2016 s’appelle Donald Trump. Depuis bientôt trente ans et le séminal President Elect: 1988 Edition, chaque campagne présidentielle, aux Etats-Unis ou ailleurs, a droit à ses jeux vidéo. George W. Bush ou Barack Obama eurent les leurs : la très clivante et très connectée campagne de 2016 ne fait pas exception, et le sulfureux candidat républicain jouit d’une popularité inédite chez les créateurs.

Certains jeux restent équilibrés. The Race for the White House, qui avait connu un premier épisode en 2012, revient par exemple avec une édition 2016 qui met le joueur dans la peau du directeur de campagne de Hillary Clinton ou de Donald Trump. Power & Revolution, lui, se place déjà dans l’après, et permet d’incarner, indifféremment, chacun des deux candidats après son accession supposée à la Maison Blanche.

The Political Machine 2016 Launch Trailer
Durée : 00:43

D’autres « simulateurs de campagne » jouent ouvertement la carte de la parodie, comme Political Machine 2016, quand ils n’abandonnent pas carrément toute prétention simulationniste pour ne faire de la campagne qu’une simple toile de fond pour jeux axés arcade. C’est le cas de Megalo Polis et de Campaign Clicker, deux titres qui parlent de politique sans jamais en faire.

Le tractage par d’autres moyens

Mais plus que l’élection, ce sont les candidats qui inspirent les développeurs. Dès 2002, le magnat de l’immobilier Donald Trump avait d’ailleurs eu droit à son jeu de gestion (« Donald Trump’s Real Estate Tycoon »), et en 1993, le chat du couple Clinton avait failli avoir un jeu à sa gloire (« Socks the Cat », qui pourrait finalement connaître une sortie officielle).

« Donald Trump’s Real Estate Tycoon » | Activision

Des deux, c’est à l’évidence Donald Trump qui obsède le plus des développeurs qui s’improvisent satiristes. Des centaines de jeux pour smartphone ou PC affichent ainsi la tête pixelisée du candidat républicain, moqué et tourné en dérision. Ici, le jeu vidéo devient la continuation du tractage par d’autres moyens.

Des jeux réalisés avec peu de moyens par des développeurs généralement anonymes. La plupart restent d’ailleurs à l’état de prototype, de note d’intention. Autant de pavés jetés négligemment dans la mare, qui ont rarement pour ambition de connaître une sortie commerciale. Et quand c’est le cas (Day of the Trumplings, TrumPiñata ou encore Argument With a Trump Supporter par exemple), ils ne se vendent généralement pas à plus de quelques centaines d’exemplaires.

Quelques-uns émergent pourtant du lot, à l’image des productions du studio Everyday Arcade, lancé depuis quelques mois dans une active et ludique campagne anti-Trump. Sa série de jeux « GOP Arcade » détourne ainsi les règles d’Angry Birds ou du jeu de la taupe pour s’attaquer aux déclarations, au programme et aux amitiés de Donald Trump.

Une démarche qui n’a plus grand-chose d’amatrice : les fondateurs d’Everyday Arcade étaient auparavant directeurs créatifs chez Buzzfeed. Leur dernier jeu, Voter Suppression Trail, qui dénonce l’inégalité de traitement entre les électeurs blancs et ceux de couleur, a d’ailleurs été publié sur le site du New York Times peu avant l’élection.

Troll et LOL

Si le jeu pamphlet est tout sauf une nouveauté, cette élection aura quand même vu émerger un genre nouveau : celui du jeu hagiographique. Car si Hillary Clinton est virtuellement invisible au sein de cette production, les jeux qui font de Donald Trump un héros ne sont pas rares.

De la même façon que la sphère de l’alt-right américaine occupe largement l’espace médiatique, sur les réseaux sociaux ou sur Reddit, ils se sont aussi fait une place de choix sur Steam et les plates-formes de téléchargement de jeux pour smartphone.

Make America Great Again: The Trump Presidency - Gameplay Trailer
Durée : 00:56

Make America Great Again : The Trump Presidency (une sorte de Super Mario où le héros de Nintendo serait remplacé par M. Trump) et Mr. President ! (dans lequel on doit protéger de son corps le candidat républicain de diverses tentatives d’assassinat) sont d’ailleurs les seuls jeux inspirés de la campagne américaine à connaître des chiffres de vente significatifs sur PC, avec, selon le site Steamspy.com, respectivement 10 000 et 30 000 ventes.

Grâce, ou à cause, de son discours excessif et du culte de la personnalité dont il fait l’objet, Donald Trump n’est plus un simple candidat : il est devenu son propre personnage de fiction, autant caricature de candidat que de (anti-)héros à l’américaine, sans qu’on sache très bien s’il s’agit encore de premier degré ou d’une parodie grossière.

C’est surtout l’ultime révélateur de l’esprit qui aura traversé cette campagne électorale, devenue sur le Net royaume du troll et du « LOL » nihiliste. Rien n’est grave, puisque tout est ridicule. Alors, semblent nous dire ces développeurs, autant prendre le parti d’en rire.