Pylones EDF à Cordemais (Loire-Atlantique). | STEPHANE MAHE / REUTERS

Pour Noël, faudra-t-il s’éclairer à la bougie ? Sans doute pas. Mais pour la première fois depuis des années, l’hiver s’annonce extrêmement tendu en matière électrique en France. Des mesures exceptionnelles vont être mises en place pour compenser l’arrêt d’un nombre record de centrales. Elles risquent cependant de ne pas suffire s’il fait vraiment froid. Des coupures ne sont donc pas exclues, notamment début décembre et en janvier, les périodes les plus délicates. C’est ce qu’a annoncé mardi 8 novembre Réseau de transport d’électricité (RTE), la filiale d’EDF gestionnaire des 100 000 kilomètres de lignes à haute tension, qui suit à ce titre l’équilibre production-consommation dans l’Hexagone.

À l’origine de ces difficultés, la faiblesse du parc de centrales d’EDF. En principe, l’entreprise publique arrête durant l’été les unités sur lesquelles elle doit réaliser des travaux, afin de disposer du maximum de puissance en hiver, quand le chauffage électrique porte la consommation de courant à des sommets. Cette année, ce bel ordonnancement est totalement remis en question.

13 réacteurs devraient rester hors circuit en décembre

À cause de la défaillance de certains réacteurs et des contrôles renforcés requis par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) après la découverte de falsifications chez le constructeur Areva, près d’un tiers des tranches nucléaires françaises est actuellement à l’arrêt. Du jamais vu depuis que le parc a été construit dans les années 1970-1990. EDF espérait faire repartir plusieurs unités très rapidement, mais le groupe avait présumé de ses forces. Le 3 novembre, il a dû reporter le redémarrage de cinq réacteurs (Bugey 4, Gravelines 2, Tricastin 1, 3 et 4) à la fin décembre. En l’état actuel des prévisions, 13 réacteurs devraient rester hors circuit en décembre, et 9 en moyenne durant l’hiver, « le niveau de disponibilité le plus faible depuis dix ans », selon RTE.

Pour répondre aux pics de consommation, EDF recourt d’habitude à ses vieilles centrales au fioul ou au charbon. Mais là aussi, la marge de manœuvre est plus limitée que les années précédentes : plusieurs unités ont été fermées ou mises sous cocon. Pas de chance non plus du côté des barrages hydroélectriques, ils se trouvaient fin octobre à leur plus bas niveau décennal pour la saison. Quant aux éoliennes et aux panneaux solaires qui ont poussé ces dernières années en France, ils apportent ensemble un supplément de capacité de 1 900 mégawatts par rapport à l’hiver 2015-2016, l’équivalent de deux réacteurs nucléaires. Encore faut-il qu’il y ait du vent ou du soleil, ce qui n’a rien d’acquis : RTE table sur une disponibilité de 30 %, en fonction des heures et de la météo.

En décembre, EDF devrait au total disposer d’une capacité de production inférieure en moyenne de 11 300 mégawatts à celle de l’hiver dernier, alors même que la consommation devrait, elle, rester stable. Si la météo est clémente, tout ira bien. Sinon, les Français ayant été incités à s’équiper massivement en chauffage électrique, la demande de courant montera, et l’équilibre avec l’offre risque d’être difficile à établir.

Pour éviter que la France ne se retrouve plongée dans le noir, les gestionnaires du système électrique ont sonné la mobilisation générale. Ils comptent d’abord importer davantage d’électricité, notamment en profitant de la nouvelle liaison à courant continu
avec l’Espagne. Le mouvement a déjà commencé. Ce mardi, EDF doit ainsi importer jusqu’à 8600 mégawatts et très peu exporter, l’inverse de la situation qui prévalait il y a un an. Quand le froid s’accentuera, les lignes transfrontalières permettront d’importer jusqu’à 12 200 mégawatts… sous réserve que les pays voisins aient du courant à vendre. En tout état de cause, la facture risque d’être élevée : ces derniers jours, les déboires d’EDF ont fait grimper en flèche les cours de l’électricité.

Baisser la tension électrique générale de 5 %

Ces importations devraient suffire si la température ne descend pas plus de 3 degrés Celcius en dessous des normales saisonnières. Mais si le froid gagne, il faudra utiliser la méthode forte pour faire face aux pointes du matin (8h-13h) et du soir (18h-20h). En premier lieu, RTE peut interrompre la consommation de 21 sites industriels très gourmands en énergie, et volontaires, pour réduire ponctuellement les besoins de 1 500 mégawatts. Deuxième solution, beaucoup plus exceptionnelle : RTE envisage de baisser la tension électrique générale de 5 %. Cette dégradation de la qualité du courant permet de diminuer la consommation de 4 000 mégawatts, l’équivalent de ce qu’utilise tout le Grand Paris.

Enfin, « en cas de déséquilibre extrême », le patron de RTE, l’ancien député (PS) François Brottes, prévoit des coupures. Des « délestages programmés et momentanés ». Dans ce cadre, RTE supprime le courant dans certaines zones, de manière « tournante », pour éviter des
coupures de plus de deux heures. Les hôpitaux, sites industriels à risque et autres clients priroritaires, restent, eux, alimentés.