Nigel Farage, le leader par intérim du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP), le 24 juin à Londres. | STEFAN WERMUTH / REUTERS

Quatre mois après le vote suprise en faveur du Brexit et sa vague nationaliste, la victoire de Donald Trump a nécessairement un parfum de déjà-vu pour les Britanniques. La première ministre, Theresa May, a félicité M. Trump, mercredi 9 novembre, en expliquant que les deux pays resteraient « des partenaires puissants et proches, en matière de commerce, de sécurité et de défense ». Le nouveau président américain s’était félicité des résultats du Brexit en juin.

Nigel Farage, promoteur de la rupture avec l’Union européenne (UE), a été le premier responsable politique à réagir, mercredi matin, avant même que le succès du républicain ne soit confirmé. Il exultait. « Je ne suis pas particulièrement surpris parce que la classe politique est détestée dans le monde occidental, les instituts de sondages sont en pleine faillite et la presse n’a pas pris conscience de ce qui se passe dans le monde. Donc, il semble bien que 2016 va être l’année de deux grandes révolutions politiques. Je pensais que le Brexit était une grande chose, mais on dirait que [la victoire de Trump] va être quelque chose d’encore plus grand ! », a déclaré le leader par intérim du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP, extrême droite). M. Farage avait apporté son soutien à Donald Trump qui s’était lui-même surnommé « Mr Brexit ».

« Un ami à la Maison Blanche »

Face aux accusations de sexisme, il l’avait défendu en le comparant à un « grand gorille paradant sur le plateau » et à un « mâle dominant », après un débat télévisé avec Hillary Clinton à Saint-Louis (Missouri). Dans une tribune publiée par le Telegraph, Nigel Farage, qui présente le Brexit comme la revanche des « petites gens » sur les dynasties politiques tenues par la finance internationale, s’était félicité de l’intérêt des Américains pour le Brexit, se disant fier que le Royaume-Uni serve d’exemple aux Etats-Unis au lieu de l’inverse. Le Royaume-Uni va avoir « un ami à la Maison Blanche » , a ajouté mercredi matin M. Farage, affirmant que M. Trump « admire notre culture, ressent profondément ses racines écossaises et veut nous mettre en haut de la liste pour les accords commerciaux ».

Le Royaume-Uni va avoir « un ami à la Maison Blanche », a déclaré M. Farage, affirmant que M. Trump, le leader par intérim du UKIP

La presse britannique pro-Brexit n’a d’ailleurs pas tardé, mercredi matin, à se féliciter de l’élection de M. Trump, la présentant comme l’écho terriblement amplifié du vote des Britanniques du 23 juin. « Trump offre le choc d’un “Brexit pour l’Amérique” », titre ainsi le site du tabloïd The Sun. « La campagne électorale présidentielle la plus extraordinaire de l’histoire moderne s’achève par une énorme humiliation pour Hillary, les instituts de sondages, les médias et le show-business, alors que les électeurs que l’Amérique avait oubliés offrent à Donald [sic] une victoire éblouissante », se réjouit le Daily Mail.

« L’Amérique n’est pas le pays que nous pensions. Elle a exprimé un vote de colère, explique le commentateur Tim Stanley dans le Telegraph. Un vote qui rejette le consensus libéral [de gauche] qui prévaut en Occident depuis les années 1990. C’est un Brexit avec une sonnette d’alarme en plus. (…) Son but est de redonner sa grandeur aux Etats-Unis. Nous le souhaitons aussi, n’est-ce pas ? Une Amérique forte investit au Royaume-Uni et achète nos marchandises. Une Amérique forte nous aide à nous protéger contre les ennemis de l’Occident. »

La gauche britannique tétanisée

Tétanisée, la gauche britannique a été plus lente à réagir. Le député du Labour David Lammy craint « les sombres années à venir » tandis que son collègue Owen Smith, tweetait : « Un raciste à la Maison Blanche, et un violeur des droits de l’homme au Kremlin. Est-ce le moment pour nous de quitter l’Europe ou celui de tenter de redonner espoir ? » Quant au responsable des affaires étrangères des LibDems, Tom Brake, il a annoncé sur Twitter « la fin du monde ».

De façon significative, la réaction de Jeremy Corbyn, le chef du Parti travailliste, issu de l’extrême gauche du parti, est relativement modérée. Qualifiant l’élection de Donald Trump de « choc compréhensible », M. Corbyn y voit « le rejet implacable de l’establishment politique et du système économique qui ne fonctionnent tout simplement pas pour la plupart des gens ». Certes, admet M. Corbyn, « certaines des réponses de Trump aux grandes questions qu’affronte l’Amérique et la rhétorique de division qui les entoure sont clairement fausses ».

Mais le leader du Labour « ne doute pas cependant que l’intelligence et le bon sens du peuple américain prévaudront » et il exprime sa « solidarité à un pays de migrants, d’innovateurs et de démocrates ». « Après ce dernier signal d’alarme, le besoin d’une véritable alternative à l’échec d’un système économique et politique ne peut pas être plus clair », estime Jeremy Corbyn.

La réaction britannique la plus émouvante est sans doute celle de Bredan Cox, le mari de Jo Cox, la députée du Labour pro-européenne assassinée par un déséquilibré d’extrême droite quelques jours avant le référendum sur le Brexit. « Elle aurait dit : ne vous lamentez pas, organisez-vous et réaffirmez ce que vous avez en commun. »