Deux hommes, leur bulletin de vote à la main, à Harlem à New York le 8 novembre. | BRIA WEBB / REUTERS

Le président Barack Obama a tout essayé. Il a multiplié les meetings dans les Etats où les minorités noires sont importantes. Il fallait voter pour Hillary Clinton parce que « Barack leur demande personnellement de le faire », a-t-il lancé en Caroline du Nord devant la foule rassemblée, vendredi 4 novembre, à l’université d’Etat Fayetteville, haut lieu historique de l’enseignement noir.

A Philadelphie (Pennsylvanie), Stevie Wonder a joué aux côtés de la candidate démocrate. Dimanche, elle est apparue sur scène dans l’Ohio avec la star de la NBA LeBron James, Etat ou le président Obama est lui-même venu deux fois.

Lundi soir, dernière nuit de campagne devant 40 000 personnes, Lady Gaga a même chanté Angel Down en hommage à Trayvon Martin, le jeune Afro-Américain dont la mort par balles en février 2012 a été à l’origine du mouvement Black Lives Matter (« Les vies noires comptent »).

Rien n’y a fait. Le vote afro-américain semble avoir été en deçà des attentes et espoirs démocrates. Les communautés noires ne se sont pas autant mobilisées dans les régions clés que les électeurs hispaniques.

Sonnettes d’alarme

La Caroline du Nord est restée dans le giron républicain. Le Michigan a basculé en faveur de Donald Trump alors qu’il avait voté pour le candidat démocrate en 2012. La « coalition Clinton », autant que l’on puisse en juger, mercredi, peu après minuit, a rassemblé les jeunes, les femmes, les Asiatiques et les latinos.

Elle a certes remporté une très large majorité de l’électorat noir, mais pas suffisamment pour l’emporter et compenser l’impressionnante mobilisation des classes ouvrières et électeurs blancs en faveur de Donald Trump.

En 2008, le New York Times avait titré, au lendemain de la victoire de Barack Obama, que « la barrière raciale était tombée ». Son triomphe devait ouvrir le chemin vers une Amérique postraciale, débarrassée de ses divisions fondées sur la couleur de peau. Quatre ans plus tard, Obama avait encore obtenu 93 % du vote noir sur le plan national, même 100 % des voix dans cinquante-sept district de la région de Philadelphie…

« Qu’avez-vous à perdre ? »

Récemment, les sonnettes d’alarme ont été tirées lorsque, lundi, les premières statistiques donnaient une baisse de la participation, par rapport à 2012. « C’est sa plus grande préoccupation », avait dit Michael Bitzer, professeur de sciences politiques au Catawba College, en Caroline du Nord.

Une préoccupation d’autant plus grande que son rival républicain n’eu de cesse de jouer habilement ces derniers mois sur la corde sensible : « Les démocrates ont échoué et trahi la communauté afro-américaine, a martelé Donald Trump. Je serai votre plus grand champion. Qu’avez-vous à perdre ? »

A Milwaukee (Wisconsin), devant un parterre quasi exclusivement blanc, l’homme d’affaires a évoqué le taux de chômage anormalement élevé des Noirs, promis d’aider les Afro-Américains à retrouver du travail dans les centres-villes et à augmenter leur salaire. Donald Trump a parlé de la classe ouvrière noire comme peu de républicains l’ont fait avant lui.

Désillusion

Comme le montrent les sondages sortis des urnes, les Noirs, comme les autres segments de la population, se disent aujourd’hui pessimistes. Ils le sont devenus. La relative faible mobilisation de l’électorat noir dans certains districts, et ce malgré les propos incendiaires de Donald Trump, renvoie aussi au sentiment de lassitude des Afro-Américains, où l’optimisme des premières années Obama a cédé la place à la désillusion.

La récession de 2008 a creusé les inégalités. Le pays demeure traversé par des clivages raciaux. Les violences policières n’en sont qu’un des témoignages. Malgré certaines paroles, notamment celles prononcées à la mort du jeune Trayvon Martin en Floride, Barack Obama a semblé éviter le sujet durant ses années à la Maison Blanche de peur d’être accusé par ses détracteurs de protéger sa propre communauté. C’était peut-être là une de ses plus grandes erreurs. Pour beaucoup, loin d’avoir apaisé les clivages raciaux, la présidence Obama aurait même contribué à les exacerber.