Philippe Waechter, directeur de la recherche économique, au sein de Natixis Asset Management, analyse les conséquences possibles sur le plan économique de l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis.

En quoi la victoire de Donald Trump modifie-t-elle en profondeur le scénario économique mondial ?

Le principal risque est celui du repli sur soi prenant à revers près de quarante ans de globalisation. Au début des années 1980, l’arrivée concomitante de Ronald Reagan, aux Etats-Unis, et Margaret Thatcher, en Grande-Bretagne, avait lancé la longue période de globalisation. La logique était que celle-ci réduisait les contraintes locales et autorisait une expansion plus durable. La victoire du Brexit au Royaume-Uni puis celle de Donald Trump inversent cette dynamique.

Le changement brutal est sur cet aspect-là car d’un seul coup, la globalisation n’est plus le cadre de référence. Si finalement les années 1980 s’étaient plutôt bien déroulées, c’est parce que les mesures prises en faveur de la libéralisation, notamment sur le marché des capitaux, permettaient de réduire les contraintes qui pesaient sur l’économie.

Quelles conséquences peut-on imaginer sur les échanges mondiaux ?

Le vote Trump s’est fait en grande partie sur l’idée que le reste du monde était responsable de la situation dégradée des Etats-Unis. Il faut s’attendre donc à la mise en œuvre d’une stratégie centrée principalement sur l’Amérique.

Cela se traduira par la remise en cause des traités dans lesquels les Etats-Unis sont partie prenante. Il pourrait y avoir dénonciation des traités existants et même de la participation des Etats-Unis à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cela se traduirait par la capacité à mettre en œuvre les règles souhaitées par les Etats-Unis sans contrepartie.

Ensuite, les négociations actuelles sur les traités commerciaux avec l’Asie hors Chine (TPP) et avec l’Europe (TIPP) ont peu de chance d’aboutir. Enfin, les Etats-Unis souhaitent réduire leurs engagements politiques vis-à-vis du reste du monde.

Donald Trump considère que la défense du monde occidental est un bien public qui coûte cher au pays. Cette moindre implication peut être préoccupante pour l’Europe car l’équilibre politique risque de changer notamment au regard des offensives du président russe, Vladimir Poutine.

Partout dans le monde où les Etats-Unis sont actifs cela peut provoquer de l’instabilité et de l’incertitude. La conséquence de tout cela est un risque de choc fort et persistant sur le commerce mondial. Le risque de récession global est loin d’être nul.

Quels peuvent être les effets du programme économique de Donald Trump sur l’économie américaine ?

Sur le plan interne, les baisses d’impôts promises seront mises en œuvre et cela se traduira par une hausse significative des importations. L’objectif est de doper le revenu des Américains et d’améliorer leurs dépenses. Cependant les Etats-Unis dépendent pour une bonne partie du secteur manufacturier des approvisionnements en provenance du reste du monde.

C’est sur ce point que la situation va être intéressante car il va falloir composer entre les deux points ci-dessus. Les importations vont augmenter pour satisfaire la demande interne, alors que le commerce mondial subira un choc important et que les importations seront davantage taxées.

Cette contradiction accentue le risque de récession en accentuant les dynamiques incompatibles entre ce qui est souhaité en interne et le choc provoqué sur la dynamique globale.

Cela va-t-il influencer la politique de la Réserve fédérale américaine (Fed), qui semblait disposer à relever les taux en décembre ?

La contradiction entre la dynamique interne et les contraintes résultant du choc sur le commerce mondial avec notamment la hausse des droits de douane se traduiront par plus d’inflation aux Etats-Unis. La raison est que la production interne ne pourra pas répondre immédiatement à la hausse de la demande et cela provoquera des pressions à la hausse des prix. La hausse des droits de douane accentuera ce phénomène.

La situation de la Fed est à risque. La probabilité d’une hausse des taux en décembre chute fortement. Mais, au-delà de cela, l’indépendance de la banque centrale américaine sera remise en cause très rapidement.