Gérard Guyard n’a pas été franchement surpris par l’élection de Donald Trump, mardi 8 novembre. Malgré son nom bien français, cet homme d’affaires dispose de la nationalité américaine et a longtemps vécu aux Etats-Unis, le pays de ses quatre grands-parents. Or, vendredi, le banquier de Bank of America qui suit son compte américain l’a appelé, en lui conseillant de vendre ses actions. « Il sentait que Trump allait gagner, et voulait me protéger contre la chute de la Bourse après le scrutin », confie le PDG de Gravotech. M. Guyard n’a pas eu tort de refuser : Wall Street aussi a déjoué les pronostics, et progressait mercredi après l’élection du candidat républicain, pourtant présentée comme une source majeure d’incertitudes…

« J’ai aussi été moins étonné que d’autres parce que j’ai vécu la crise de 2008 sur place, confie M. Guyard. Je me souviens que des gens ont tout perdu ou presque en soixante jours. Des membres de la petite bourgeoisie ont perdu leur maison. Ils se croyaient riches, ils étaient riches de dettes… Ce traumatisme a eu un impact majeur sur le vote de mardi. »

Plus que son propre portefeuille, M. Guyard se préoccupe aujourd’hui des conséquences de l’élection de Donald Trump sur son entreprise, Gravotech, un fabricant de machines pour graver et marquer le verre, l’acier, etc. Même si son siège a été transféré des Etats-Unis en France il y a quelques années, cette entreprise de 930 personnes reste très dépendante du marché nord-américain, qui pèse pour 40 % de son chiffre d’affaires.

Investissements et arrêt des délocalisations

En homme consciencieux, M. Guyard avait, avant l’élection, rédigé une série de fiches comparant les programmes des deux principaux candidats. « En matière économique, leurs projets avaient des points communs, constate-t-il en consultant ses notes. Pour Gravotech, c’était plutôt positif, en particulier le plan Trump. »

Qu’on en juge : le héros des républicains a annoncé des investissements de 550 milliards de dollars (502 milliards d’euros) dans les infrastructures, « un élément favorable pour nous qui fournissons des équipements de signalétique, et dont le premier client est l’Etat américain », commente le PDG. Donald Trump entend aussi arrêter les délocalisations et faire revenir l’industrie manufacturière aux Etats-Unis : « Cela pourrait soutenir notre activité auprès des constructeurs automobiles et aéronautiques. » La relance de la consommation par le crédit pourrait en outre donner un coup de fouet à toutes les ventes liées au grand public.

Mercredi, à l’annonce des résultats du scrutin, M. Guyard n’a pas sabré le champagne pour autant : « Le problème, c’est que Donald Trump est totalement imprévisible, et qu’il ne tiendra certainement pas ses promesses, qui ne sont pas financées », note-t-il.

Dans l’immédiat, la crainte du PDG porte surtout sur l’incertitude liée au changement de président et au flou sur les mesures qu’il prendra vraiment. Cela pourrait tout freiner, en incitant les entreprises à ralentir leurs commandes. Un peu comme au Royaume-Uni, où « tout a été gelé » après le vote surprise en faveur du Brexit. Les marchés de Gravotech ont alors soudainement piqué du nez, perdant 7 % à 8 % alors qu’ils étaient auparavant en nette hausse. « Heureusement, ils ont repris depuis quinze jours… » précise M. Guyard.