Les élections professionnelles dans les très petites entreprises (TPE), qui doivent avoir lieu du 28 novembre au 12 décembre, vont-elles être repoussées ? Cette hypothèse, totalement inattendue, est envisagée depuis plusieurs jours par le gouvernement à cause d’un embrouillamini judiciaire qui n’est pas, à cette heure, tranché. Si elle devient réalité, l’organisation de la consultation va être chamboulée, créant un casse-tête sur le plan logistique et entraînant des coûts supplémentaires.

Une telle éventualité a vu le jour du fait d’un contentieux lié à la participation du Syndicat des travailleurs corses (STC) au scrutin. Au printemps, la CFDT, la CFTC, la CGT et FO avaient saisi le tribunal d’instance (TI) du 15e arrondissement de Paris afin d’obtenir l’annulation d’une décision de la direction générale du travail (DGT) qui avait jugé recevable la candidature du STC aux élections dans les TPE. Elles trouvaient que cette organisation ne remplissait pas les critères pour pouvoir être considéré comme un syndicat professionnel, « au sens légal du terme ». Elles mettaient notamment en avant le fait que le STC milite pour la « “corsisation” des emplois », ce qui est contraire, selon les quatre centrales syndicales, « au principe d’égalité et de non-discrimination ».

Le tribunal d’instance leur avait accordé gain de cause dans une décision rendue le 4 juillet. Il avait considéré que le STC s’affranchissait du respect de « valeurs républicaines » et qu’il poursuivait « manifestement un but politique [l’indépendance de la Corse] qui excède les objectifs des organisations syndicales ». Dès lors, son « objet (…) n’est pas licite », ce qui avait pour effet de l’empêcher de se présenter aux élections dans les TPE.

Délais « incompressibles »

Saisie par le STC, la Cour de cassation avait invalidé, début septembre, le jugement du tribunal d’instance et demandé que l’affaire soit réexaminée par la même juridiction, mais « autrement composée ». Le TI s’est donc à nouveau penché sur le litige, le 21 octobre. Mais la procédure a pris plus de temps que prévu, à cause d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée par le STC – QPC qui n’a pas eu de suite. Finalement, le TI a livré son jugement, le 4 novembre, et a, cette fois-ci, donné raison au STC.

Toute la question, maintenant, est de savoir si cette décision va être contestée ou non. Si elle l’est, la Cour de cassation ne pourra se prononcer qu’après le début des opérations de vote, assure-t-on dans l’entourage de la ministre du travail, Myriam El Khomri. Or, on ne peut pas exclure que la haute juridiction invalide le jugement du TI, ce qui remettrait en cause la candidature du STC, alors que les salariés auraient commencé à s’exprimer. Le scrutin risquerait, dès lors, d’être annulé, complète-t-on au cabinet de Mme El Khomri. Autre paramètre à prendre en considération : les délais, qualifiés d’« incompressibles », pour transmettre aux électeurs le matériel (bulletins de vote, propagande, etc.), souligne-t-on rue de Grenelle.

Dans l’attente de la CGT

Les données de l’équation ont été exposées aux centrales syndicales. La CFDT a finalement décidé de ne pas se pourvoir en cassation. Idem pour FO : « Nous n’avons pas envie que le scrutin soit repoussé, explique son secrétaire général, Jean-Claude Mailly. Une campagne, ça a un coût pour les organisations. Mais le problème de fond soulevé par cette affaire n’est pas réglé pour autant. »

La CGT, elle, n’a pas encore arrêté sa position. Elle devrait le faire mercredi après-midi, lors d’un bureau confédéral. Mais l’imbroglio l’irrite au plus haut point : « Nous avons la possibilité d’engager un recours mais on nous déconseille de le faire. C’est inacceptable », confie Patrick Varela, qui suit le dossier pour la CGT. Dans l’entourage de Mme El Khomri, on certifie que « le gouvernement n’a exercé aucune pression sur les organisations syndicales » : il s’est borné « à les informer des conséquences d’un pourvoi en cassation ». Ce qui revient peut-être au même.