Cette semaine, découvrez une biographie de Ponce Pilate à rebours de la tradition, un roman abordant les relations père/fils et l’obsession de la réussite sociale, une très belle anthologie célébrant les 100 ans du Canard enchaîné et le premier tome, enfin traduit, d’une trilogie à succès signée Liu Cixin, le maître de la science-fiction chinoise.

ESSAI. « Ponce Pilate », d’Aldo Schiavone

Du préfet de Judée, qui condamna Jésus autour de l’an 30 de notre ère, nous savons bien peu de choses. Et pourtant, rassemblant ici et là les éléments disponibles, s’appuyant sur une lecture critique des Evangiles, Aldo Schiavone propose une brillante biographie de Ponce Pilate. Touche par touche, tableau après tableau, le Romain apparaît au fil des pages non pas comme cet être veule, aspirant à fuir ses responsabilités, que la tradition a retenues, mais comme un individu sensible au charisme de Jésus, décidant « d’accueillir cette inexplicable volonté qui se tenait devant lui » et de l’aider à accomplir son destin. On dit que Ponce Pilate s’est lavé les mains après la crucifixion – c’est de là que découle l’expression. Or, ce fut tout le contraire. Julie Clarini

FAYARD

Ponce Pilate (Ponzio Pilato), d’Aldo Schiavone, traduit de l’italien par Marilène Raiola, Fayard, 248 p., 19 €.

ROMAN. « Le Bon Fils », de Denis Michelis

C’est un ogre à deux têtes. Mais aussi, ne soyons pas chiches, à deux corps et deux voix, celles d’un fils et de son père : « Je marche, l’âme légère, mais mon père me rattrape. » Le plus jeune est à pied, le plus vieux en voiture, qui « baisse » la vitre pour dire : « Remonte. » Dès la première page, l’envers et son contraire se dévorent et se régurgitent l’un l’autre, se multiplient et s’unissent à la fois. Le père veut faire d’Albertin un « bon fils » qui travaille bien à l’école. L’arrivée d’un étrange personnage, Hans, voyageur d’hiver tout droit sorti d’un conte de Grimm, va transformer Albertin en « Constant ». Pour son deuxième roman, Denis Michelis, 36 ans, livre une critique de l’obsession de la réussite sociale en forme de conte, porté par une poésie inquiète et cocasse à la fois. Eric Loret

NOIR SUR BLANCE

Le Bon Fils, de Denis Michelis, Noir sur blanc, « Notabilia », 224 p., 16 €.

BEAU LIVRE. « Le Canard enchaîné, 100 ans. Un siècle d’articles et de dessins »

670 pages grand format, un florilège de plus de 2 000 articles et dessins, un texte inédit de l’écrivain et journaliste Patrick Rambaud appelé le Roman du Canard. Plusieurs idées fortes se dégagent de cette somme. D’abord, que Le Canard a donné des coups de bec sans distinction sur tout ce qui incarne une autorité, qu’elle soit politique, religieuse, morale, intellectuelle… Ensuite, qu’un certain esprit « de corps » ou « d’équipe » – on ne sait comment le qualifier tant les militaires et les sportifs ont été épinglés par le journal – lui a permis de traverser les désaccords inhérents à toute rédaction. Enfin, que le succès actuel du titre – plus de 400 000 exemplaires vendus chaque semaine – ne serait rien sans son indépendance, incarnée par ses révélations opiniâtres d’affaires politiques et financières. Frédéric Potet

SEUIL

Le Canard enchaîné, 100 ans. Un siècle d’articles et de dessins, édité par Laurent Martin et Bernard Comment, avec le « Roman du Canard », de Patrick Rambaud, Seuil, 670 p., 49 €.

ROMAN. « Le Problème à trois corps », de Liu Cixin

Le Problème à trois corps débute par un récit hyperréaliste du chaos de la Révolution culturelle chinoise. Une adolescente, Ye Wenjie, voit son père astrophysicien mourir sous les coups des gardes rouges. Des années plus tard, ce traumatisme poussera Ye Wenjie, qui travaille pour un radiotélescope ultra-secret, à envoyer dans l’espace un message. Que va capter un « guetteur » de Trisolaris, une planète située dans une autre galaxie, à quatre années-lumière de la Terre. Wenjie, qui n’a aucune foi dans l’humanité, se consacre à préparer l’arrivée sur Terre des Trisolariens, prêts à tout pour fuir leur planète aux trois soleils, très inhospitalière. Elle fonde une organisation secrète qui convertit de nouveaux adeptes à la religion trisolarienne, grâce à un jeu de réalité virtuelle. Jusqu’à ce qu’un chercheur chinois trouve un moyen de résister. Brice Pedroletti

ACTES SUD

« Le Problème à trois corps », de Liu Cixin, traduit du chinois par Gwennaël Gaffric, Actes Sud, 432 p., 23 €.