Doug Brown, 42 ans (avec la cheminse) se dit « frustré ne pas avoir accès à toute l’histoire ». Selon lui, les politiciens « ne disent pas toute la vérité ». | Darcy Padilla/agence VU pour "Le Monde"

Qui sont les électeurs de Donald Trump ? Qu’est-ce qui les a séduits chez le candidat républicain devenu depuis mardi 8 novembre le 45e président des Etats-Unis ? Pendant de longs mois, nos reporters ont sillonné les routes des Etats-Unis, du Texas à la Floride en passant par l’Ohio et le Wisconsin pour raconter cette Amérique qui croit en Donald Trump. Leurs reportages dressent en creux les motivations de ces électeurs, majoritaires mardi soir.

  • A Dallas (Texas) : « Lui au moins, il a des couilles »

A l’époque on les scrute encore avec curiosité. En octobre 2015, Gilles Paris consacre une longue enquête à « ces Américains qui s’enflamment pour Donald Trump ». Ils portent déjà souvent cette casquette de base-ball rouge qui promet de rendre l’Amérique « grande à nouveau », devenue emblématique du candidat. Il s’agit d’une population très majoritairement blanche, vouée à devenir minoritaire d’ici à 2050 d’après les études démographiques, plus masculine, plus âgée, moins diplômée et moins fortunée que celle qui se tourne vers les autres candidats républicains. Pourquoi ils aiment Trump ? « Lui, au moins, il a des couilles » confie alors à notre reporter Stephanie Inge de Dallas (Texas).

Quelques semaines auparavant, Gilles Paris avait raconté le meeting du candidat républicain à Dallas où les personnes décidées à soutenir Trump cohabitaient avec les indécis. Ces derniers sont venus se faire une idée sur pièce, par eux-mêmes, sans être tributaires de médias qu’ils jugent parfois avec circonspection.

Il rencontre Linda McCaffrey, venue voir « Donald » précisément « par curiosité ». Elle assure n’avoir pas encore fait son choix mais elle fait spontanément confiance au milliardaire, par la vertu de ses réalisations immobilières qui valent à ses yeux bien plus que des mandats électifs. « J’ai 55 ans, explique-t-elle à notre reporter, et je veux qu’on mette fin à ce déclin permanent. »

  • A Polk County (Floride) : « Qu’a fait Barack Obama pour les Blancs ? Qu’a-t-il fait pour la classe moyenne ? »

Dans ce comté de Floride d’un peu plus de 500 000 habitants, Nicolas Bourcier a rencontré à la fin du mois de janvier Joel Miller, mécanicien militaire retraité. « Qu’a fait Barack Obama pour les Blancs ? Qu’a-t-il fait pour la classe moyenne ? Il est le pire président qu’on ait eu », tranchait-il. A 70 ans, il s’est enregistré au Parti républicain de fraîche date, après des années passées aux côtés des démocrates : « J’ai fini par changer après les derniers attentats [à San Bernardino, en Californie, où 14 personnes ont été tuées par balles le 2 décembre 2015]. Obama n’a même pas utilisé le terme “terroristes” ! En période de crise, la politique, c’est agir et parler en homme à poigne ! »

  • A Cleveland (Ohio) : « Hillary Clinton devrait être placée devant un peloton d’exécution et fusillée pour trahison »

Point d’orgue du processus des primaires pour le Parti Républicain, la convention nationale se déroule à Cleveland du 18 au 21 juillet. Pierre Bouvier et Bernard Monasterolo donnent alors la parole à sept Américains présents à cette occasion. Al Baldasaro, conseiller de Donald Trump pour les affaires concernant les anciens combattants s’est fait remarquer en affirmant que Hillary Clinton était responsable de l’attaque contre le consulat américain de Benghazi, en Libye, le 11 septembre 2012. « Elle devrait avoir honte pour tous les mensonges qu’elle a servi aux mères dont les enfants sont morts. Hillary Clinton devrait être placée devant un peloton d’exécution et fusillée pour trahison », lâche-t-il.

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  • A Tampa en Floride, un exilé cubain « fatigué de l’establishment »

Juillet. Les militants républicains quadrillent la Floride dont on sait déjà qu’elle sera clé pour donner la victoire à Donald Trump. Devant la porte de José Menez, un exilé cubain installé à Tampa depuis plus de vingt ans et enregistré républicain, une militante rappelle qu’il doit voter pour le candidat du parti. « Je ne l’aime pas beaucoup, mais je déteste encore plus Hillary », dit José Menez en espagnol. Et de lâcher : « Je suis fatigué par l’establishment et tous ces politiques, mais, au final, je voterai Trump. »

  • Dans le Texas, avec les Latinos qui soutiennent Trump

On les appelle les « Trumpistas ». Des Américains d’origine hispanique qui voteront pour le milliardaire new-yorkais le 8 novembre à la présidentielle américaine. Un vote contre-nature, pensent certains. Un vote certes minoritaire, mais qui en dit long sur la capacité de Donald Trump à toucher, au-delà de ses harangues anti-immigration et racistes contre les Latinos, un public plus large et plus complexe qu’il n’y paraît, raconte Nicolas Bourcier.

Luis Cavazos a 22 ans et la vie devant lui. Étudiant en droit dans la ville voisine de McAllen, il rêve lui aussi d’un monde sans misère ni racisme. La contradiction avec les idées de Donald Trump, qu’il soutient, n’est qu’apparente, assure-t-il. Luis rappelle qu’il a grandi dans une famille modeste et démocrate, dans une ville pauvre, tenue par le Parti démocrate depuis près d’un siècle et « où rien n’a changé ». Il dit : « Nous avons besoin d’une rupture radicale, quelque chose de nouveau où chacun retrouve l’opportunité d’avoir un job digne et sans assistance de l’État, tout l’inverse d’une Hillary Clinton. »

  • A West Bend (Wisconsin) : « Croire aux sondages ? Mais je n’ai jamais été appelée ! »

Nous sommes au cœur de l’été. Plus la campagne avance, moins les études d’opinion sont favorables à Donald Trump, affaibli par les polémiques. Le candidat se « régénère » en meeting, raconte alors Gilles Paris dans le Wisconsin. Dans l’assemblée, les supporteurs du républicain ne veulent pas croire que les jeux sont faits. « Croire aux sondages ? Mais je n’ai jamais été appelée ! Pas plus que vous, je parie ! », lance à la cantonade Linda. Prémonitoire.

  • A The Villages (Floride) « Franchement, quel homme ne parle pas de cette manière après avoir bu une bière ? »

Mi-octobre, Nicolas Bourcier est toujours en Floride, à The Villages, à une heure d’Orlando. C’est ici que cette Amérique vit entre soi, derrière les barrières et hauts murs des « gated communities », cités closes et protégées. On y entretient aussi une certaine nostalgie. C’est une Amérique profonde, viscéralement opposée aux élites de Washington, où le Parti républicain frôle systématiquement 70 % des voix, avec 80 % de participation.

John Mash, 70 ans, dit qu’il votera pour Donald Trump, « ou plutôt contre Hillary ». A son adversaire républicain au moins, poursuit-il, « on ne peut pas reprocher de ne pas être transparent ! Franchement, quel homme ne parle pas de cette manière après avoir bu une bière ? »

  • A Woodstock (Viriginie) : « Il a su parler aux gens »

Mardi soir, enfin, Stéphanie Le Bars a passé la soirée électorale avec les électeurs républicains dans un hôtel de Woostock, en Virginie, bastion du « Grand old party ».

« Il a su parler aux gens. Mettre des mots sur leurs inquiétudes. Ici, la reprise économique n’a pas encore eu lieu. Les usines fermées en 2008 n’ont pas rouvert », analyse Josh Wilberger, 33 ans, policier et jeune père de famille. Myriam Reno ne trouve rien à redire à M. Trump. Pas même ses commentaires sexistes. « Quand j’étais au lycée, dans les années 1950, j’ai entendu bien pire de la part des garçons. Aujourd’hui, les jeunes sont obsédés par le politiquement correct », balaie la septuagénaire.