Editorial. Les Américains vont-ils porter un coup fatal à la lutte contre le réchauffement climatique ? L’élection de Donald Trump à la tête des Etats-Unis a radicalement changé l’atmosphère des négociations de la COP22 qui se tiennent à Marrakech, au Maroc, jusqu’au 18 novembre. Les Etats s’étaient retrouvés pour célébrer l’entrée en vigueur accélérée de l’accord de Paris et discuter de sa mise en œuvre. Faut-il prendre acte d’un prochain départ des Américains ?

Trump, climatosceptique affirmé, peut ébranler l’édifice difficilement construit ces dernières années. Il a promis durant sa campagne d’annuler ce texte qui, selon lui, nuit à l’économie du deuxième plus gros émetteur de gaz à effet de serre de la planète. Il en a les moyens juridiques et politiques.

Carctère non contraignant

En brandissant la menace d’un retrait, Donald Trump met en évidence la fragilité de l’accord de Paris signé le 12 décembre 2015 à l’issue de la COP21. Ce texte, qui semblait offrir des garanties de stabilité en fixant un délai de quatre ans aux Etats pour s’en affranchir, comporte une faille juridique. A ceux qui le souhaitent, il ouvre la possibilité de s’en libérer dans un délai d’un an en quittant la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques qui abrite les négociations. S’ils enclenchent cette manœuvre, les Etats-Unis, piliers de la réussite de la COP21, s’excluraient des discussions internationales sur le climat.

Mais Donald Trump n’a pas besoin de prendre ce risque politique et de s’exposer sur la scène internationale. Car l’accord de Paris n’est pas contraignant, et c’est sa principale faiblesse. Aucun mécanisme de sanction n’est prévu pour obliger un pays à respecter ses engagements de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre ou ses promesses financières. Le suivi de la mise en œuvre ne peut être ni « accusatoire » ni « punitif ». Sans dénoncer l’accord de Paris, sans quitter le cadre des négociations, le nouveau président peut ne pas l’appliquer. Il n’encourt aucune pénalité.

Ce sont les Etats-Unis eux-mêmes qui ont imposé, avec l’aide de la Chine, le caractère non contraignant du texte. Dans les coulisses du Bourget, en décembre 2015, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a bataillé jusqu’à la dernière minute pour obtenir que la rédaction du texte substitue l’auxiliaire anglais « should » (« devraient ») à « shall » (« doivent »). Il s’agissait de lever les dernières réticences des pays les plus inquiets mais surtout d’éviter à Barack Obama, privé de majorité politique dans son pays, l’épreuve d’une ratification par le Sénat.

Responsabilité historique

Le retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris serait un très mauvais signal. La lutte contre le changement climatique nécessite la mobilisation de toutes les nations. Les Etats-Unis portent une responsabilité historique dans le réchauffement et ne peuvent pas renoncer à réduire leurs émissions, à fermer des centrales électriques au charbon, l’énergie la plus polluante (que Trump a promis de relancer), à financer les pays les plus vulnérables comme ils s’y étaient engagés.

L’effet d’entraînement sur les gros pollueurs serait immédiat. La Chine, l’Inde, le Brésil ou encore la Russie seraient alors tentés de réduire leurs efforts pour convertir leur économie et s’affranchir des énergies fossiles. Il reste peu d’années pour contenir la hausse des températures sous le seuil fatidique des 2 °C. Le retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris, d’une façon ou d’une autre, serait criminel.