Un employé de livraison à domicile, en mars 2016. | ERIC FEFERBERG / AFP

L’Organisation internationale du travail (OIT) les appelle « emplois atypiques ». D’autres parlent d’« ubérisation » de l’économie, du nom de l’entreprise américaine Uber qui, grâce aux nouvelles technologies, permet de mettre en relation directe clients et employés dans les transports. Dans un rapport publié lundi 14 novembre, l’organisation internationale alerte sur les dangers de ces formes atypiques d’emplois.

A l’échelle mondiale, ces emplois – travail temporaire, temps partiel, intérimaire, sous-traitance ou encore non salarié indépendant – sont de plus en plus répandus sur le marché du travail. S’ils permettent souvent l’accès au marché du travail, qu’ils offrent « une certaine souplesse », comme l’écrivent les auteurs du rapport aux employeurs et aux travailleurs, ils s’accompagnent la plupart du temps d’une grande insécurité pour ces derniers.

Ils permettent souvent à l’entreprise de réduire ses frais de protection sociale. Ainsi, en Allemagne, avant la réforme de 2013, les travailleurs engagés dans des « mini-emplois » dont la rémunération était inférieure à 400 euros par mois ne versaient pas de cotisations de sécurité sociale, et les employeurs versaient des cotisations à taux réduit.

« Relations de travail déguisées »

L’OIT, qui voit les relations du travail évoluer, s’éloignant de plus en plus du contrat long liant salarié et employeur, s’intéresse aux « relations de travail déguisées » avec, par exemple, le travail sur appel par l’intermédiaire d’applications mobiles. Ce dernier modèle, sur lequel il n’y a pas encore beaucoup de données, est moins bien analysé dans le rapport que les plus traditionnels contrats intérimaires ou à temps partiel. Mais les auteurs expliquent que, s’agissant de l’économie des plates-formes numériques, « de nombreuses entreprises ont choisi de recruter leurs travailleurs en tant qu’“entrepreneurs indépendants”. Cette pra-
tique a fait l’objet de différends du travail marquants par lesquels les travailleurs ont contesté cette qualification »
. Et de prédire une extension, dans les prochaines années, de ce type d’économie.

L’organisation dresse un panorama de ces différentes formes d’emplois atypiques, difficilement quantifiables et qui prennent des aspects différents selon les pays. En Australie, un salarié sur quatre est employé de façon occasionnelle. « Dans ce pays, l’emploi occasionnel est une catégorie particulière d’emploi qui ne donne pas droit à des congés annuels payés ni à des congés de maladie, mais dont le taux de salaire horaire est majoré à titre de compensation par une “prime de travail occasionnel” », détaille l’OIT.

Pertes de productivité à long terme

Pour l’OIT, ils présentent tous un risque, d’abord pour les salariés, moins protégés, moins bien rémunérés, soumis à une intensité et une durée du travail supérieure. Mais l’organisation qui réunit en son sein les représentants des Etats, des employeurs et des salariés, s’inquiète des effets sur le long terme pour les entreprises et l’économie. « Les gains à court terme en matière de coûts et de flexibilité obtenus grâce à ces formes de travail atypique peuvent être dépassés par les pertes de productivité à long terme », explique Philippe Mercadent, chef du service des marchés inclusifs des relations professionnelles et des conditions de travail à l’OIT. Selon lui, les entreprises n’investissent pas autant sur la formation pour ces salariés, ainsi que sur l’innovation.

« Nous devons nous assurer que tous les emplois procurent aux travailleurs un revenu stable et suffisant, une protection contre les risques professionnels, une protection sociale et le droit de se syndiquer et de négocier collectivement », insiste Deborah Greenfield, directrice adjointe de l’OIT.