Les mauvaises nouvelles s’accumulent pour Laura Pfeiffer. Rejugée dans une affaire qui lui avait valu d’être condamnée pour violation du secret professionnel et recel de documents confidentiels, cette inspectrice du travail, basée à Annecy, s’est vu infliger une amende de 3 500 euros avec sursis, mercredi 16 novembre, par la cour d’appel de Chambéry. Soit la même peine qu’en première instance. Elle devra par ailleurs payer un euro de dommages et intérêts à la société Tefal, qui avait déposé plainte dans ce dossier hors-norme. La condamnation ne sera toutefois pas inscrite à son casier judiciaire.

Me Henri Leclerc, l’avocat de la prévenue, ne sait pas à ce stade s’il formera un pourvoi en cassation. « Je souhaite prendre connaissance de la motivation de l’arrêt avant de prendre une décision », confie-t-il. De son côté, MJoseph Aguera, le conseil de Tefal, n’a pas souhaité faire de commentaire.

Les faits reprochés à Laura Pfeiffer portent sur des courriels émis ou reçus en 2013 par la direction de l’entreprise Tefal à Rumilly (Haute-Savoie). Ils avaient été communiqués à Laura Pfeiffer par un salarié de cette entreprise, Christophe M., qui se les était procurés frauduleusement. Ces correspondances électroniques pouvaient laisser penser que les patrons du fabricant d’articles de cuisine avaient cherché à obtenir la mutation de l’inspectrice du travail en intervenant auprès de son supérieur hiérarchique, Philippe Dumont. Et que ce dernier se trouvait dans une relation de connivence avec Tefal, l’un des plus gros employeurs privés du département.

« Obligation de respecter le secret professionnel »

Convaincue que sa hiérarchie relayait les pressions de Tefal pour « obtenir sa tête », Laura Pfeiffer avait transmis les courriels à plusieurs syndicats et l’affaire avait été déballée sur la place publique, en décembre 2013. L’industriel avait déposé une plainte contre X pour « introduction frauduleuse dans un système de traitement automatisé de données ». L’enquête avait permis de remonter à Laura Pfeiffer et à son « informateur », Christophe M. Tous deux avaient été jugés et condamnés, en décembre 2015, à la même peine (amende avec sursis, donc).

A l’appui de son jugement, le tribunal correctionnel d’Annecy avait invoqué le fait que l’inspectrice du travail « ne pouvait ignorer » que les courriels avaient été obtenus sans l’accord » de ceux qui les avaient reçus ou rédigés. « La connaissance de la provenance douteuse des documents et le fait qu’elle les ait utilisés suffisent à caractériser l’élément intentionnel de l’infraction de recel », avaient-ils estimé.

Ils avaient également rappelé « l’obligation de respecter le secret professionnel » à laquelle Laura Pfeiffer est assujettie, « comme tout fonctionnaire ». Une disposition qui a pour objet « de garantir la sécurité des confidences recueillies et de protéger les informations à caractère secret auxquelles [l’inspection du travail] a accès ». En l’espèce, avait conclu le tribunal, la prévenue a bafoué cette règle : la diffusion de pièces aux syndicats « a rendu possible [leur] publication dans la presse et sur Internet (…), diffusion qui a conduit à l’identification de [Christophe M.] et à son licenciement ».

L’arrêt rendu mercredi après-midi par la cour d’appel de Chambéry constitue une nouvelle déconvenue pour Laura Pfeiffer. Dans ce dossier-gigogne, elle avait déposé plainte pour harcèlement moral à l’encontre de son supérieur hiérarchique et adressé au parquet d’Annecy un procès-verbal pour dénoncer les obstacles qui avaient, selon elle, été dressés pour l’empêcher de remplir sa mission. Début novembre, la procureure de la République d’Annecy, Véronique Denizot, a classé ces deux procédures, estimant que les faits n’étaient pas établis. L’inspectrice du travail ne compte pas en rester là. Interrogée par Le Monde, elle avait exprimé l’intention d’user des recours à sa disposition pour que l’enquête soit de nouveau conduite.

Dans un communiqué commun, les cinq syndicats qui soutiennent Laura Pfeiffer (CGT, CNT, FO, FSU, Solidaires) disent être « consternés » par la décision de la cour d’appel. Ils fustigent, au passage, l’attitude de la ministre du travail, Myriam El Khomri, coupable, à leurs yeux, d’être restée silencieuse face aux agissements de Tefal. « Cette condamnation s’inscrit dans un contexte plus large de criminalisation des mouvements sociaux (...) et de répression des mobilisations [contre la loi travail, notamment] », concluent-ils.