A Ben Gardane, en mars, après l’attaque repoussée de djihadistes affiliés à l’EI. | FATHI NASRI / AFP

Les découvertes d’armes et de munitions disent la permanence du péril terroriste auquel est confrontée la fragile démocratie tunisienne. Entre le samedi 12 et le lundi 14 novembre, cinq caches d’armes ont été identifiées par les forces de sécurité tunisiennes à proximité de Ben Gardane, la grande ville du Sud-Est tunisien, frontalière avec la Libye. L’arsenal contenait notamment 24 missiles sol-air SAM-7, 52 roquettes RPG, 27 kalachnikovs et 10 fusils-mitrailleurs Falo, selon un communiqué publié lundi à Tunis par le ministère de l’intérieur.

La saisine des missiles sol-air SAM-7 de fabrication soviétique – d’une portée de 3 500 mètres d’altitude pour les dernières versions – a particulièrement retenu l’attention des observateurs. Fin octobre, les autorités avaient déjà annoncé la découverte, toujours près de Ben Gardane, de quatorze missiles à « guidage thermique » qui pourraient bien correspondre au même modèle SAM-7.

De tels missiles pourraient provenir de l’arsenal de 5 000 SAM-7 qui s’étaient volatilisés en Libye à la suite de la révolution anti-Kadhafi de 2011, selon les autorités libyennes de transition de l’époque. En février 2012, les autorités algériennes avaient, elles, découvert 28 SAM-7 à In-Amenas, non loin de la frontière algéro-libyenne.

Les raids de ces deniers jours à Ben Gardane font suite à une opération de l’armée tunisienne, le 9 novembre, dans la zone du mont Mghrilla, près de Kasserine (centre-ouest) au cours de laquelle un chef djihadiste, Talal Saïdi, a été tué. Ce dernier était l’« émir » d’un groupe rebelle opérant sur les monts Mghilla et Selloum et affilié à Jund Al-Khilafa (« les soldats du califat »), un réseau djihadiste tunisien ayant fait allégeance à l’organisation Etat islamique (EI).

Vague terroriste en 2015

Preuve de cette connexion, l’assassinat d’un soldat tunisien, le 5 novembre, à son propre domicile de la zone du mont Mghilla par les hommes de Talal Saïdi avait été revendiqué par l’EI sur le site de son agence de propagande Amaq. Selon des sources locales, l’examen du téléphone portable trouvé sur le cadavre de l’« émir » Talal Saïdi a permis aux enquêteurs de remonter les filières d’approvisionnement du groupe et d’identifier les caches d’armes près de Ben Gardane.

Ces récents développements illustrent tout à la fois la réalité de la menace terroriste en Tunisie et la résolution des autorités de Tunis à démanteler les réseaux. La Tunisie avait été ensanglantée en 2015 par une vague sans précédent d’attentats djihadistes, visant en particulier les étrangers (contre le musée du Bardo à Tunis et contre un hôtel près de Sousse). Le pays a ensuite connu une certaine normalisation sécuritaire, à la suite, notamment, d’un verrouillage de la frontière avec la Libye.

L’événement le plus notable a été l’attaque, le 7 mars, de la ville de Ben Gardane par un commando d’une centaine de djihadistes affiliés à l’EI, dont une cinquantaine venait de Libye. Les forces de sécurité tunisiennes étaient parvenues, avec l’aide de la population locale, à repousser l’assaut. Les combats avaient alors fait soixante-dix morts, dont une cinquantaine d’assaillants.

Les récentes découvertes d’armes à Ben Gardane surviennent à deux semaines de la tenue à Tunis d’une conférence internationale sur l’investissement, un événement organisé par les autorités afin de réveiller l’intérêt des bailleurs de fonds et des investisseurs internationaux autour de l’économie tunisienne. « Les autorités tunisiennes sont promptes à communiquer sur leurs succès sécuritaires, note un observateur étranger. Il s’agit de projeter l’image d’un pays qui fait le nécessaire, pour rassurer ses partenaires étrangers. » Les raids de ces derniers jours montrent toutefois le degré d’enracinement des réseaux dans la zone frontalière avec la Libye.