Steve Bannon sortant de la Trump Tower  à New York, le 11 novembre. | © Carlo Allegri / Reuters / REUTERS

Editorial. Une petite musique s’est installée depuis une semaine à Washington, pour amortir le choc de l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche, le 8 novembre. Cette petite musique consiste à mettre en avant les propos conciliants du président élu après une campagne électorale incendiaire. A souligner les promesses que, de toute évidence, en bon bateleur, il ne tiendra pas – le mur avec le Mexique qui devient une grille, les 11 millions de sans-papiers à expulser qui ne sont plus que 3 millions de délinquants condamnés, « Hillary la pourrie » métamorphosée en « femme fantastique » qu’il n’est plus question de « mettre en taule »… Il faut raison garder, vous explique-t-on : la violence de la campagne de M. Trump se justifiait par sa volonté de mobiliser l’électorat. A présent, il va devoir gouverner, et le pragmatisme prévaudra.

De fait, certaines des premières nominations annoncées dans l’équipe de transition du président élu républicain peuvent être de nature à rassurer. Le vice-président, Mike Pence, et le directeur de cabinet, Reince Priebus, sont, par exemple, de solides républicains du MidWest, rompus au fonctionnement de l’Etat.

Il en va différemment de l’homme que Donald Trump a choisi pour être son principal « conseiller stratégique » à la Maison Blanche, Steve Bannon. M. Bannon avait pris la tête de l’équipe de campagne de Donald Trump en août, pour remplacer Paul Manafort, disqualifié par ses liens avec l’ancien président ukrainien pro-russe, le très corrompu Viktor Ianoukovitch.

Porte-voix de l’« Alt-Right »

Avant cela, Steve Bannon dirigeait un site de propagande, Breitbart News, considéré aux Etats-Unis comme le porte-voix de l’« Alt-Right », la droite extrême alternative, qui véhicule des thèses racistes, antisémites et misogynes, et se spécialise dans la désinformation. Breitbart News a joué un rôle important dans la campagne de M. Trump et projette de s’implanter en France et en Allemagne en 2017, année électorale.

Les centres d’étude des mouvements extrémistes et racistes accusent M. Bannon et Breitbart News de banaliser les discours complotistes et suprémacistes blancs. La Ligue anti-diffamation les considère comme « hostiles aux valeurs américaines fondamentales ». Il suffit de surfer un peu sur Internet pour trouver des déclarations de Steve Bannon ou des propos publiés sous sa responsabilité qui devraient, à eux seuls, le disqualifier pour occuper un poste dans l’équipe dirigeante d’un pays démocratique. M. Bannon se retrouve pourtant sacré idéologue en chef de la nouvelle administration, avec un poste aux contours imprécis, qui n’est pas soumis à la procédure de confirmation du Sénat.

Le Ku Klux Klan s’est félicité de cette nomination. Harry Reid, chef de la minorité démocrate au Sénat, s’en est étranglé : nommer Steve Bannon à la Maison Blanche, dit-il en demandant sa démission, revient à « mettre un champion des thèses suprémacistes blanches à deux pas du bureau Ovale ».

En nommant Steve Bannon parallèlement à Reince Priebus, le président élu n’envoie pas seulement des signaux contradictoires, qui présagent de luttes d’influence destructrices au sein de son équipe. Il laisse entendre à son pays et au reste du monde – et c’est plus grave – que les thèses extrémistes défendues par le courant de pensée qu’incarne M. Bannon sont légitimes. Le qualifier de « conseiller de l’ombre » n’enlève rien à la symbolique de cette nomination. Celle-ci devrait, tout simplement, être retirée.