Les Guerrilla Girls sont un collectif de féministes américaines, qui s’expose jusqu’au 19 février 2017 au Frac Lorraine à Metz. Depuis leur création en 1985, elles militent contre le sexisme dans le monde de l’art. Et organisent des conférences, placardent des affiches avec des slogans féministes et des statistiques dénonçant les discriminations.

Les Guerilla Girls mènent leur combat à coups d’affiches collées dans les rues. | Guerrilla Girls

Toujours avec une méthode très rodée, qui leur donne des accents de Wonder Woman. À la différence près qu’elles agissent masquées. Et pas avec n’importe quel masque, celui d’un gorille, symbole d’une force qu’on leur dénie, parce qu’elles sont des femmes. « En fait, on a pensé à plein d’accessoires possibles, au masque de ski, au sac en papier, au collant, et puis une de nos membres a fait un lapsus en confondant guérilla et gorilla », raconte celle surnommée « Frida Kahlo », l’une des fondatrices du groupe.

À la façon Superman

Quant au tour de passe-passe pour revêtir leur tenue de combat, il est moins digne de la superhéroïne de William Moulton Marston que du journaliste Clark Kent alias Superman. « On a toutes sortes de trucs, on se change dans les toilettes ou les cabines de téléphone, poursuit “Frida Kahlo”. Nos masques peuvent facilement glisser de nos visages. Le seul problème aujourd’hui, c’est qu’il y en a de moins en moins de disponibles dans les magasins de farces et attrapes, alors qu’on en trouvait autrefois des tonnes, peut-être à cause du succès du film La Planète des singes. »

Les féministes américaines se masquent afin de ne pas personnaliser leur action. | Andrew Hinderaker

Elle l’admet, plus grand monde ne cherche aujourd’hui à percer leur identité. Et si ces femmes tiennent à leur anonymat, c’est moins pour se prémunir contre une sanction professionnelle que pour ne pas personnaliser leur action. On ne change pas une méthode qui marche.

La méthode, précisément, n’a pas dévié d’une ligne en trente ans : cooptation, formation par une ancienne Guerrilla Girl, consensus (jamais mou !) et division du travail en restent les piliers. « On repère les forces des unes et des autres. Certaines sont meilleures pour faire des recherches, d’autres en graphisme, d’autres encore dans l’organisation et la logistique », rapporte « Frida Kahlo ». Internet a quand même simplifié leur vie. Si les membres se rencontraient initialement toutes les deux à trois semaines, les mails, chats et conversations sur Skype leur permettent d’être connectés quotidiennement.

Les femmes du collectif ont choisi l’emblème du gorille, symbole d’une force qu’on leur dénie. | Guerrilla Girls

Simple et efficace, le mode opératoire n’a pas non plus changé. Plutôt que l’agit-prop telle que la pratiquent aujourd’hui les Pussy Riots ou les Femen, le collectif intervient dans l’espace public avec des affiches, autocollants et prospectus. Ces posters répertorient les galeries à l’écurie exclusivement masculine, les critiques d’art sexistes, ou les musées dont les collections sont chiches en artistes femmes. « L’affiche, c’est “cheap”, ça s’imprime facilement et c’est d’une diffusion immédiate dans la rue, explique “Frida Kahlo”. On les collait au début à visage découvert le vendredi dans la nuit et, le samedi, on se baladait dans la rue, comme tout un chacun, pour écouter la réaction des gens. Certains disaient qu’il fallait analyser le monde de l’art comme n’importe quel milieu professionnel. D’autres pensaient que notre sphère jouissait d’une exception, d’autres encore que la méritocratie devait primer sur le sexe. » Des commentaires qu’on entend encore aujourd’hui, trente ans après la création des Guerrilla Girls.

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