En moins de cinq ans, l’application Snapchat a réussi à se faire une place parmi les « grands », aux côtés de Facebook, Twitter ou encore WhatsApp. Mardi 15 novembre, le Wall Street Journal a révélé que Snap, le nouveau nom de l’entreprise qui l’a créée, avait lancé sa procédure d’introduction en Bourse. Elle viserait une valorisation d’au moins 20 milliards de dollars : un chiffre pharaonique. Comment cette application, lancée en septembre 2011 et prisée des adolescents, est-elle devenue aussi importante ?

Snapchat, c’est quoi ?

Créée par deux étudiants de Stanford, Evan Spiegel et Bobby Murphy, Snapchat est à l’origine une application permettant d’envoyer des messages, ou « snap », contenant du texte, des photos ou des vidéos, qui ont la particularité de s’autodétruire au bout de quelques secondes. Application de messagerie au départ, elle s’est élargie au fil des ans et est devenue un réseau social à part entière : les utilisateurs peuvent rendre publiques des « stories », collections de snaps visibles 24 heures.

L’application est aussi célèbre pour ses fameux filtres, qui permettent de modifier en temps réel le visage de ses utilisateurs ou d’y superposer des éléments comme un masque, une moustache, du maquillage ou une perruque.

Snapchat revendique 150 millions d’utilisateurs, dont plus d’un tiers aux Etats-Unis, et affirme que 10 milliards de snaps sont regardés chaque jour. Selon ses chiffres, il réunirait en France 8 millions d’utilisateurs quotidiens. Il est aujourd’hui encore l’une des applications gratuites les plus téléchargées de l’App Store d’Apple, devant Facebook, Instagram et WhatsApp.

L’application préférée des adolescents

Snapchat s’est imposé avec une vitesse fulgurante auprès des adolescents, qui l’utilisent massivement, aux Etats-Unis comme en France. Plusieurs éléments ont joué en sa faveur pour séduire ce public. Premièrement, il représentait une alternative à Facebook et Twitter, devenus trop grand public… Et donc accessibles à leurs parents ou professeurs. Snapchat reste encore peu connu des plus de 30 ans et très difficile à prendre en main pour les novices, qui abandonnent facilement.

Qui plus est, les adolescents se sont montrés dès le départ sensibles à la proposition de Snapchat qui leur promettait des messages éphémères – et donc la possibilité de publier du contenu sans risquer d’être entaché « à vie » par un message ou une photo regrettable. Avec des réserves : des applications tierces permettent d’enregistrer les contenus et il est toujours possible d’effectuer des captures d’écran. Celles-ci sont néanmoins signalées par Snapchat. L’application dispose donc, à grande échelle, d’un public précieux pour les annonceurs, qui en fait toute sa valeur.

Imitée par Facebook et Instagram

Le succès de Snapchat a pris de court les réseaux sociaux concurrents, et notamment le leader incontesté Facebook. Celui-ci tente de se rattraper et d’endiguer, en vain, le succès de Snapchat, en imitant certaines de ses fonctionnalités. A commencer par les messages éphémères, désormais disponibles sur Messenger, son application de messagerie. L’entreprise teste aussi des options permettant de personnaliser les photos et les vidéos de ses utilisateurs, notamment avec des filtres. Instagram, qui appartient à Facebook depuis 2012, permet de son côté, depuis cet été, de publier des « stories », elles aussi éphémères.

Facebook avait déjà tenté d’imiter Snapchat bien plus tôt. Dès 2012, une application nommée Poke était lancée, qui offrait la possibilité d’envoyer des messages éphémères. Ce fut un échec. En août, l’entreprise américaine a retenté l’expérience en lançant Lifestage, une application déstinée aux jeunes de moins de 21 ans, conçue par un adolescent, leur permettant d’échanger des messages, photos et vidéos personnalisées.

Une plate-forme de médias

De simple messagerie, Snapchat est devenu un réseau social puis, plus récemment, une plate-forme de médias. Alors que les médias commençaient à se créer des comptes sur l’application, il leur a proposé, l’an dernier, un tout nouveau service. Intitulé Discover, il s’agit d’un espace à part entière sur l’application, dans lequel les médias partenaires peuvent publier des articles, conçus et mis en forme spécialement pour Snapchat et son format mobile et vertical.

Initialement réservé aux médias anglo-saxons, Discover est arrivé en France en septembre avec huit médias, dont Le Monde, mais aussi Paris Match, L’Equipe, Melty, Cosmopolitan, Vice, Konbini et Tastemade.

Encore du potentiel

Et Snapchat n’a certainement pas fini son ascension. Après avoir conquis les adolescents, l’application commence à séduire un public plus jeune. En se basant sur une étude du cabinet ComScore, le Wall Street journal explique que, bien que la grande majorité des utilisateurs américains soient des jeunes de 18 à 24 ans (69 % de ceux qui disposent d’un smartphone sont sur Snapchat), les plus âgés se laissent conquérir peu à peu. 38 % des 25-34 ans possédant un smartphone utilisent ainsi l’application, et 14 % des plus de 25 ans. Des chiffres qui ont progressé de manière impressionnante : ils étaient respectivement 5 % et 2 % il y a trois ans.

Snapchat a aussi lancé il y a quelques jours un nouveau produit, les Spectacles. Ces lunettes de soleil, équipées de caméras, permettent d’envoyer directement sur l’application des vidéos de 10 secondes. Et l’entreprise a décidé de jouer la carte de la rareté : au prix de 129 dollars (soit 120 euros), elles sont vendues au compte-gouttes dans des « snapbots », des distributeurs que l’entreprise déplace en secret, sans annoncer le prochain emplacement.