Lucrèce de Médicis (Valentina Bellè) et son époux Pierre de Médicis (Alessandro Sperduti). | RAI/ZENO ZOTTI

Sans doute Jean de Médicis (1360-1429) n’est-il pas mort en contemplant la beauté de Florence depuis ses vignes, empoisonné par des raisins enduits de ciguë. Certainement, son fils, Cosme l’Ancien (1389-1464), ne portait-il pas la barbe. D’ailleurs les portraits de lui qui subsistent le gratifient d’un physique plutôt ingrat, en tout cas franchement éloigné de la prestance de Richard Madden, le Robb Stark de Game of Thrones, qui l’incarne à l’écran… Il n’empêche, depuis le 18 octobre, l’Italie tout entière veut y croire.

Avec plus de 7,5 millions de spectateurs pour les deux premiers épisodes de la série, qui plus est un soir de Ligue des champions (le match de football entre la Juventus de Turin et l’Olympique lyonnais était exceptionnellement diffusé en clair), I Medici, production italo-britannique, a rencontré un succès public inespéré. Pour la deuxième soirée de diffusion, mardi 25, l’audience a un peu faibli (6,7 millions de téléspectateurs), mais elle reste hors normes pour une production historique, même diffusée à une heure de grande écoute.

Une fierté nationale

Il faut dire que la RAI avait beaucoup misé sur ce projet (diffusé en France sur le service de VOD de SFR), qu’elle a rendu possible en injectant 8 des 25 millions d’euros nécessaires à la réalisation des huit épisodes, et en mettant en place une importante campagne promotionnelle. Avant même sa diffusion, la série était érigée au rang de fierté nationale. Pour la directrice de RAI Fiction, Eleonora Andreatta, il s’agissait de rien de moins que « donner vie à une nouvelle renaissance, celle de l’audiovisuel italien », afin de « porter à travers le monde l’image de l’Italie de la culture ».

Le casting aura fait le reste. En têtes d’affiche anglo-saxonnes, Richard Madden, donc, dans le rôle du personnage central de la série, Cosme l’Ancien, mais aussi Dustin Hoffman pour incarner Jean, le patriarche à l’origine de la fortune du clan. Côté italien, Alessandro Preziosi pour camper le génie – forcément fantasque – Filippo Brunelleschi, père de la coupole du Duomo de Florence. Et Guido Caprino, plus sombre, en exécuteur des basses besognes du clan. Le tout au service d’une des épopées les plus fascinantes de l’histoire italienne : l’ascension vers le pouvoir suprême, sans passer par le métier des armes, d’une simple famille de banquiers qui, par la pratique du mécénat, en viendra à révolutionner l’art occidental.

Grossières simplifications

Les amateurs de scènes de sexe et de violence en seront pour leurs frais : les Médicis ne sont pas les Borgia. À Florence, on faisait dans la politique, l’art et la finance, pas dans le scabreux. Certes, la photographie trahit l’influence de Game of Thrones, mais les comparaisons s’arrêtent là.

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Plusieurs historiens sont bien montés en chaire, sans trop y croire, pour dénoncer les excessives libertés prises par rapport à l’Histoire. Bien sûr, les luttes agitant Florence et les autres États italiens au début du XVe siècle sont simplifiées à l’extrême. Certes, déplacer à Rome l’élection par laquelle les Médicis sont devenus banquiers de l’Église – celle de l’antipape Jean XXIII en 1410 –, qui s’est tenue à Pise, est une grossière simplification. « Mais nous avons fait une fiction », a répondu inlassablement Luca Bernabei, producteur de la série, pour sa défense. L’historien Franco Cardini l’a reconnu dans les colonnes de La Repubblica : « Médiatiquement et commercialement, vous avez gagné. » Une deuxième saison est annoncée. Et vu l’importance d’une lignée qui a donné au monde Laurent le Magnifique, de nombreux grands-ducs, trois papes et deux reines de France, la saga des Médicis pourrait très bien ne pas s’arrêter là.

La bande-annonce de « I Medici », en italien

I Medici - Prima puntata - Il peccato originale / La cupola e la dimora
Durée : 05:19