Emmanuel Macron, lors de sa déclaration de candidature à la présidentielle, à Bobigny le 16 novembre. | JACKY NAEGELEN / REUTERS

Editorial du « Monde ». Depuis ses premiers pas en politique voici moins de cinq ans, d’abord dans la coulisse élyséenne puis en pleine lumière, Emmanuel Macron a eu deux professeurs : François Hollande, Sisyphe heureux cachant sous un inaltérable sourire une détermination à toute épreuve ; Manuel Valls et ses audaces transgressives soigneusement calculées. Bon élève, il en a parfaitement retenu les leçons. Excellent élève, il entend dépasser ses maîtres.

Après sa déclaration de candidature, mercredi 16 novembre, le voilà donc lancé à vitesse météorique dans la course présidentielle. Le chemin parcouru depuis six mois est déjà spectaculaire : il s’est émancipé sans ménagement de ses mentors, il a créé un mouvement, En marche !, qui suscite l’engouement de dizaines de milliers de partisans, et il a démissionné du ministère de l’économie pour préparer sa candidature. Le chemin sur lequel il s’engage est plus escarpé encore.

Emmanuel Macron ne manque pas d’atouts. Brillant, habile autant qu’agile, témoignant d’une aisance tout-terrain, doté d’une expérience qui marie le philosophe Ricœur et le banquier Rothschild, il fait passer, à 38 ans, un sérieux coup de jeune dans un monde politique qui préfère toujours les caciques recrus d’épreuves aux impatients frais émoulus. Cela lui vaut, dans l’opinion, un indéniable capital de sympathie et d’intérêt.

Il n’est pas le premier à en rêver

Ce viatique est indispensable. Il y ajoute un discours parfaitement en phase avec la défiance des Français à l’égard de la vie politique. L’audacieux entend la renouveler en profondeur, sortir des « statu quo » déprimants, ranger « les appareils et les logiques politiciennes » au magasin des accessoires obsolètes, dénoncer la « vacuité » de ce « théâtre d’ombres », s’affranchir de l’éternelle alternative droite/gauche. Bref, déclencher une « révolution démocratique ».

Il n’est pas le premier à en rêver, ni à le proposer. En 2002, Jean-Pierre Chevènement le souverainiste a cru possible, un moment, de faire « turbuler le système ». Il passa tout juste la barre des 5 %. En 2007, François Bayrou le centriste a espéré rassembler assez de bonnes volontés de tous bords pour bousculer les lignes et briser le carcan. Malgré son score très honorable (18 % de voix), il a échoué à son tour.

Depuis trente ans enfin, le Front national entend remettre en cause le duopole exercé par la droite et les socialistes, et Jean-Marie Le Pen y était parvenu en 2002, comme par accident. Dans tous les cas, la logique de fer de l’élection présidentielle a eu raison de ces velléités.

Inventer une gauche nouvelle

Pour réussir demain, Emmanuel Macron devrait donc gagner trois paris. D’abord, lui qui en est issu, apparaître crédible dans son réquisitoire contre le « système ». Or la présidente du Front national occupe ce terrain avec détermination depuis des années et, comme disait son père, les Français choisiront sans doute, dans ce registre, l’original plutôt que la copie.

Ensuite, l’ancien ministre a l’ambition, contre une extrême droite conquérante et une droite dite « décomplexée », d’inventer une gauche nouvelle, libérée de ses credo du XXe siècle. Cela suppose, pour le coup, une véritable révolution, car dans l’immédiat son entreprise ne peut avoir pour effet que de fracturer un peu plus le camp dont il se réclame.

Enfin, sa réussite suppose que les Français soient prêts à oublier leur aigre morosité actuelle et à se laisser convaincre par le désir d’avenir qu’il propose. Le moins qu’on puisse dire est que ce n’est pas gagné.