Maxime Chattam est l’auteur d’une vingtaine de romans noirs, polars et thrillers. Le septième et dernier tome de la saga « Autre Monde », Genèse, (Albin Michel, 624 p., 22,50 euros) vient de paraître. Il ne s’arrête jamais d’écrire, de travailler à un nouveau roman et il imagine déjà la suite qu’il pourrait donner, dans quelques années, à cette aventure fantastique. Il livre ici les différents temps de sa vie d’auteur, de la fabrique du roman à la narration particulière du thriller.

Maxime Chattam chez son éditeur, Albin Michel, le 4 novembre 2016. | Antoine Doyen

En découvrant votre parcours, on se rend compte que vous avez exercé plusieurs métiers. Vous n’imaginiez pas devenir écrivain ?

À 14 ans, je ne sais pas pourquoi, je me suis mis en tête que je pourrais mourir très jeune. De ce jour-là, j’ai vu le monde totalement différemment. Mon rapport au temps s’est fait plus précis. Si bien qu’au fur et à mesure des années, j’ai pris conscience de la chance que j’avais d’être encore en vie. Le jour de mes 16 ans, je suis allé au McDo pour bosser. J’ai été veilleur de nuit, colleur de timbres pour une association, assistant chef produits dans une multinationale, libraire… Je dormais très peu car une heure à dormir me semblait une heure perdue à jamais. Je voulais tout essayer. Faire, c’est s’enrichir et lutter contre le temps qui glisse inexorablement entre nos mains. Ce n’est pas pour rien si je me suis passionné pour la mécanique du temps. Le temps est une notion inventée par l’homme. Il n’y a pas d’instant T. La vie est une évolution permanente.

Qu’est-ce qui a aiguisé cet intérêt ?

Un jour, je me suis retrouvé devant un balancier. J’ai aimé ses rouages. Je me suis dit : « Le temps n’existe pas, et je le vois fonctionner. » L’homme, par la force de son esprit, est parvenu à rendre visible quelque chose qui n’existe pas et à l’emprisonner.

Vous avez fini par arrêter de courir en devenant écrivain ?

Non. Je me suis d’abord stabilisé en tant que comédien. Cela me donnait l’illusion de pouvoir tout faire. Je pouvais être pilote, agent secret, milliardaire, SDF. Je pouvais voyager et rencontrer des gens. Je ne voulais pas me sédentariser. J’avais peur de la sclérose mentale. Malheureusement, et bien que le plaisir du jeu était là, je haïssais le milieu. Je me suis rendu compte qu’être un bon comédien c’était être le VRP de soi-même et je trouvais ça détestable.

Et c’est là que vous avez commencé à écrire ?

J’écris depuis l’âge de 13 ans. Pas pour devenir écrivain, mais par passion. C’est vers 21 ans que j’ai essayé d’être publié. Pour être lu tout simplement.

Comment se passe l’élaboration d’un nouveau roman ?

Au bout d’un moment, j’ai fini par noyer la temporalité. Le temps de l’écriture à proprement parler est le seul temps qui appartient exclusivement à un roman.

« Le temps de l’écriture à proprement parler est le seul temps qui appartient exclusivement à un roman. »

La préparation et la relecture se mélangent à d’autres. Je prends des notes pour des tas de livres, je me documente sur plusieurs sujets en même temps. Tout cela me permet de savoir pourquoi je commence un nouveau roman. On dit souvent que pour écrire un bon polar, il faut une bonne idée. Je n’en suis pas sûr. Il faut une bonne idée, mais surtout savoir pourquoi on l’écrit. Un livre, même un thriller, doit être le résultat d’une parfaite adéquation entre le fond et la forme. Qu’est-ce qui se cache dans le maillage du roman, ses rouages et sa mécanique. Comme dans une montre. Dans un thriller réussi, on ne peut pas retirer une page au hasard car il ne tiendrait plus !

Le travail de recherche est donc fondamental chez vous.

Tout part de l’idée : j’ai envie de parler de ça et j’ai envie d’en parler parce que cela va me permettre d’aborder tel ou tel élément de notre société. Ensuite, je travaille sur la caractérisation. Quel type de tueur ? Quel type de lieu ? J’entre dans la géographie du roman puis la documentation propre à mon histoire. Dans quel milieu cela se passe-t-il ? Je rencontre des experts, je prends des rendez-vous… Le livre se crée à ce moment-là. Petit à petit, j’ai une arborescence générale et là, je commence à écrire.

Le temps d’écriture semble court finalement.

Cela peut prendre trois mois.

Quels sont vos modèles ?

Il y a des chefs-d’œuvre indépassables : Nécropolis, d’Herbert Lieberman, Dragon Rouge, de Thomas Harris, Les Rivières pourpres, de Jean-Christophe Grangé, Shutter Island, de Dennis Lehane. Ensuite il y a tous les autres, les films, les séries. J’essaie de décomposer les histoires, de comprendre pourquoi celui-là fonctionne, de ressentir la dynamique narrative, d’étudier les personnages, etc.

Maxime Chattam, en 2016, alors qu’il vient d’achever le dernier tome de sa saga, « Autre Monde ». | Antoine Doyen

Comment travailler le rythme si fondamental dans le polar ou le thriller ?

Je m’inspire du cinéma et des séries. Au moment de terminer un chapitre, je pense comme un monteur de cinéma qui doit couper à des moments précis pour délivrer l’information sans frustrer, mais en donnant l’envie de continuer. Et dans un livre, de tourner la page.

Vous avez beaucoup publié en l’espace de peu de temps. C’est l’ado pressé et bouillonnant qui vous pousse à écrire ?

Je ne crois pas. Je n’aime pas rester sans rien faire. J’ai besoin d’avancer. Passer dix ans sur un livre ne le rendra pas meilleur. Prenez Stephen King. Il a été capable de produire deux millions de signes par an sans aucun problème [le dernier roman de Maxime Chattam fait plus de 600 pages et représente environ 700 000 signes]. Quand je tiens une bonne histoire, j’ai besoin de l’écrire tout de suite.

Pourquoi avoir choisi d’écrire une grande série comme celle qui s’achève avec Genèse ?

Dans « Autre Monde », j’ai voulu une série feuilletonnante. Les romans racontent la même histoire qui est simplement trop longue pour être racontée en un seul volume. Au début de cette série, j’étais parti pour faire trois tomes, mais à mesure que j’écrivais le premier, j’ai changé d’avis. J’avais trop de choses à raconter. Je me suis arrêté quelques mois et j’ai tout redécoupé. Ça faisait sept romans. J’ai appelé mon éditeur pour changer le contrat de trois à sept tomes.

Vous connaissez donc la structure finale dès le premier ?

Oui et je savais que le dernier s’appellerait Genèse. L’idée est que la fin soit le début d’un mythe, l’histoire fondatrice. Mon rêve est d’écrire un jour une autre histoire qui se passe dans ce monde-là mais mille ans après ce qu’il s’est passé et montrer comment les trois héros de ces bouquins-là sont devenus une religion.

À l’inverse dans les thrillers, quand je fais une trilogie, chaque roman raconte une histoire. À la fin du livre, on a toutes les réponses. On peut s’arrêter. La Trilogie du mal racontait les différents aspects d’un tueur en série.

Vous aviez écrit une préquelle de cette « Trilogie du mal ». Encore une façon de maîtriser le temps. Raconter une histoire antérieure au premier tome.

Oui. En écrivant le tome 2, je fais émerger un second personnage, une femme, une nouvelle héroïne. Me vient l’envie de brouiller les cartes. Je lui colle un mari qui a disparu du jour au lendemain. À la fin du roman, on n’a pas la réponse. On ne sait pas ce qui est arrivé au mari. Or, j’avais caché des indices tout au long de l’histoire. Un jour, je l’ai racontée dans une préquelle.

C’est jubilatoire de cacher des éléments dont je pourrai me resservir plus tard. J’ai des cahiers de notes où je recense toutes les petites portes que j’ai laissées ouvertes dans les romans.