Visite de la première salle d’injection ouverte à Paris, au sein de l’hôpital Lariboisière, le 17 octobre. | PATRICK KOVARIK / AFP

Des banderoles et des panneaux « Non à la salle de shoot en quartier résidentiel » ornent encore quelques fenêtres d’immeubles de la rue Ambroise-Paré, dans le quartier de la gare du Nord, à Paris. Mais depuis le 17 octobre, date de l’ouverture dans cette rue de la première salle de consommation à moindre risque (SCMR) en France, leur nombre a visiblement diminué. Comme si, après des mois de contestation, certains riverains hostiles au projet avaient décidé de suspendre leur jugement, le temps de voir si cette salle parvient à faire diminuer les nuisances dans le quartier, comme la Mairie en a pris l’engagement.

Entre 110 à 120 usagers fréquentent désormais chaque jour la salle, située dans un bâtiment de l’hôpital Lariboisière, annonce la Ville de Paris jeudi 17 novembre, un mois jour pour jour après le début de l’expérimentation. Soit environ 150 passages au cours des sept heures d’ouverture quotidiennes du site, de 13 h 30 à 20 h 30. Un chiffre en augmentation progressive depuis le jour de l’ouverture, où seuls quarante usagers étaient venus. « Il y avait tellement de policiers dans la rue ce jour-là que j’ai cru que personne n’allait venir », raconte Elisabeth Avril, la directrice de Gaïa, l’association qui supervise la salle de consommation.

« Les usagers doivent eux aussi prendre leurs marques et changer leurs habitudes », explique-t-elle, jugeant que pour l’instant « tout se passe comme prévu ». En tout, 300 personnes se sont inscrites à la SCMR. « Cela n’a pas attiré d’usagers qui n’étaient pas des habitués du quartier », précise Mme Avril.

La mairie vante l’apaisement, mais ne convains pas les riverains

Six usagers sur dix sont des « injecteurs », essentiellement de Subutex, un produit de substitution, ou de Skénan, un médicament à base de morphine revendu 5 euros le cachet. Ils disposent de vingt minutes pour s’injecter le produit qu’ils apportent, avec une seringue propre et sous le contrôle d’un membre de l’équipe de Gaïa. « Il y a un vrai travail sanitaire, car beaucoup de pratiques d’injection ne sont pas bonnes », souligne Bernard Jomier, adjoint au maire de Paris chargé de la santé. A l’issue du parcours, l’usager de la salle peut s’arrêter dans une salle de repos ou demander à bénéficier d’un accompagnement médical et social. Au vu de la demande, Gaïa envisage d’ailleurs d’installer prochainement une permanence de la Sécurité sociale pour permettre « d’accélérer certaines démarches ».

Sans attendre de connaître les chiffres précis des seringues collectées dans le quartier, la Ville de Paris assure d’ores et déjà que la SCMR « semble bel et bien s’installer comme élément contributif de la tranquillité publique dans le quartier ». « Il n’y a eu aucun effet de dégradation de l’espace public, ni d’afflux autour de la salle », rapporte Bernard Jomier, ajoutant : « On a le sentiment d’un début de renversement de la tendance. »

Un sentiment que sont encore loin de partager tous les riverains. « Il n’y a rien de changé depuis un mois, le deal dans les rues adjacentes a même augmenté », enrage, sous couvert de l’anonymat, une commerçante membre du collectif contre la SCMR. « Il y a toujours des toxicos qui ne veulent pas aller dans la salle et continuent de se piquer dans les halls d’immeuble, dans les escaliers des parkings publics ou dans les sanisettes. »

Seul changement visible, selon elle, depuis un mois, la plus forte présence policière : « Mais je ne sais pas quels sont leurs résultats, il y a toujours autant de bagarres et de bruit le soir. »

Ouverture de la première salle d’injection pour toxicomane à Paris
Durée : 01:35