« Dishonored 2 », lancé en novembre et développé par le studio Arkane à Lyon, est l’un des jeux qui bénéficient du crédit d’impôt. | Arkane

Quatorze députés socialistes, emmenés par Jean-Marie Beffara, député d’Indre-et-Loire, ont annoncé mercredi 16 novembre avoir déposé un amendement visant à améliorer le crédit d’impôt alloué au jeu vidéo. Dans le cadre de l’examen de la loi de finances, ceux-ci proposent de relever le taux actuel de 20 % à 30 % des dépenses, et de relever le plafond de ces aides à 6 millions d’euros par entreprise, au lieu de 3 millions actuellement. Ce dispositif, annoncé de longue date et entré en vigueur en 2015, vise à aider les entreprises françaises de création à faire face à la concurrence agressive d’autres régions majeures du secteur, dans un contexte d’assèchement des financements privés.

Dans une tribune cosignée par treize de ces quatorze députés, ceux-ci avertissent que « l’excellence française de cette industrie peut être réduite à néant si nos producteurs sont incapables d’investir dans de nouveaux développements et de conserver sur notre territoire les jeunes talents ». La concurrence internationale est en effet intense, et les aides fiscales jouent un rôle stratégique. Depuis 2014, le Royaume-Uni bénéficie d’un dispositif de crédit d’impôt de l’ordre de 25 %, et la province de Québec a relevé le sien à 30 % en 2015 (et même 37,5 % pour un jeu intégrant une version française).

« Concurrence déloyale »

Julien Villedieu, délégué général du Syndicat national du jeu vidéo, principal défenseur de la production en France, avait alors évoqué une « concurrence déloyale ». NextImpact relevait que l’éditeur français Ubisoft, dont une grande partie de l’activité est délocalisée au Québec, avait notamment bénéficié de plus de 62 millions d’euros d’aide fiscale de la part de cette province du Canada.

Les cosignataires de la tribune, qui soulignent « l’impulsion de la gauche [...] dans les politiques de soutien et de promotion de la création artistique », insistent sur la disproportion entre les aides actuelles au jeu vidéo et le reste des industries culturelles. Pour eux, le jeu vidéo « mérite cette évolution du crédit d’impôt portant l’aide fiscale de 17 millions en 2017 à 25 millions en 2018, à comparer aux 476 millions alloués au reste du secteur ».

Le SNJV espère désormais que cet amendement sera adopté. « C’est un dispositif qui a permis d’arrêter la destruction d’emplois dont souffrait le secteur, qui est modeste, et qui selon une étude du CNC rapporte 1,8 euro pour 1 euro dépensé, souligne Julien Villedieu. On sait que le jeu vidéo est une industrie dans laquelle la concurrence est internationale, et entre le Brexit et l’élection de Trump, la France a une carte à jouer en termes d’attractivité. »

Dans un contexte de fin de mandat présidentiel, le délégué général du SNJV espère un consensus. « C’est un acte politique fort et on espère que le gouvernement suivra les députés de sa majorité. Et il n’est pas exclu que les députés de l’opposition votent en faveur de cet amendement, compte tenu des enjeux industriels ; ce n’est pas un sujet qui cristallise les divisions. »

Le ministère de la culture veut « passer à la vitesse supérieure »

L’amendement pourrait en tout cas recevoir le soutien de certains membres du gouvernement. Lors de la Paris Games Week, à la fin d’octobre, l’entourage de la ministre de la culture, Audrey Azoulay, se félicitait que la mise en place du crédit d’impôt ait permis de convaincre Ubisoft de lancer deux projets de jeu vidéo à gros budget en France, l’un à Montreuil, l’autre à Annecy, et prévoyait de solliciter Bruxelles pour « passer à la vitesse supérieure ».

« Le gouvernement a pris conscience de l’importance du jeu vidéo, avec des dispositifs comme le crédit d’impôt jeu vidéo et le crédit d’impôt recherche, que l’on utilise », se félicitait Xavier Poix, directeur des studios français d’Ubisoft, lors d’un entretien au Monde au mois de juin. Ubisoft emploie dans ses studios plus de 900 personnes, et le budget de la superproduction Ghost Recon: Wild Lands, développé à Montreuil, tourne autour de 80 millions d’euros – un record pour un jeu français.

Outre ces quatorze députés socialistes, le candidat de Debout la France à la présidentielle, Nicolas Dupont-Aignan, a inscrit le relèvement du crédit d’impôt pour les jeux vidéos de 20 à 30 % des dépenses parmi ses promesses de campagne.