Le deuxième débat des candidats à la primaire de la droite, le 3 novembre. | ERIC FEFERBERG / AFP

C’est devenu l’un des slogans de la campagne pour la primaire de la droite : pour marquer leur sérieux budgétaire et financer leurs programmes de baisses d’impôts, la plupart des candidats Les Républicains promettent une thérapie de choc consistant à réduire de 80 à 100 milliards d’euros la dépense publique sur l’ensemble du quinquennat.

Pour accomplir cet effort, chacun y va de ses propositions avec des chiffrages millimétrés… mais souvent contradictoires.

Les plans d'économies proposés par les candidats à la primaire de la droite. | Les Décodeurs

Reculer l’âge de la retraite

De 64 à 65 ans

Les propositions des candidats à la primaire de la droite pour reculer l'âge légal de la retraite. | Les Décodeurs

Tous les candidats LR sont au diapason pour repousser l’âge de départ à la retraite. Mais lorsqu’on se penche sur le détail de leurs propositions, des divergences apparaissent. Nicolas Sarkozy propose la réforme la plus « douce » (63,4 ans en fin du quinquennat et 64 ans en 2025), Bruno Le Maire la plus « dure » (63,8 ans dès 2022 et 65 ans en 2025). Plus flous, François Fillon et Nathalie Kosciusko-Morizet ne précisent pas à quelle échéance ils souhaitent arriver à 65 ans.

Ce qui est étonnant, c’est que les économies annoncées par les différents candidats vont du simple au double : M. Le Maire n’attend que 10 milliards d’euros de sa réforme, contre 13,6 milliards pour M. Sarkozy et 20 milliards pour MM. Juppé et Fillon.

Une différence qui peut s’expliquer à la marge par les mesures complémentaires prévues par les différents candidats dans leurs réformes (modification du compte pénibilité, fusion des régimes public-privé…), sans toutefois justifier de tels écarts.

Outre l’âge légal de départ en retraite, une autre réforme pourrait profondément bouleverser le système : l’instauration de la retraite à points. Si les candidats qui le proposent (Fillon, NKM) vont au bout de la logique, cela conduirait à adapter automatiquement la valeur du « point » de retraite au budget disponible pour payer l’ensemble des retraites, afin d’équilibrer les caisses. Ce qui pourrait conduire à une baisse importante des pensions. Mais aucun des candidats n’a pour l’instant avancé sur ce terrain.

La réduction des effectifs de fonctionnaires

De 200 000 à 500 000

Les propositions des candidats à la primaire de la droite pour supprimer des postes de fonctionnaires. | Les Décodeurs

Le deuxième principal levier que veulent actionner les candidats de droite est celui utilisé par Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2012 : la réduction des effectifs de fonctionnaires. Alain Juppé veut supprimer 200 000 à 300 000 postes en cinq ans, contre 500 000 pour Bruno Le Maire, François Fillon et Nathalie Kosciusko-Morizet.

Aucun ne souhaite limoger les fonctionnaires actuels, mais tous veulent jouer sur le non-remplacement des départs en retraite. L’objectif de tous les candidats semble élevé, surtout quand on le compare aux 150 000 postes supprimés pendant le quinquennat Sarkozy, en vertu du principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. L’objectif de MM. Le Maire, Fillon et NKM correspond en effet à un taux de non-remplacement de 90 %. S’il était réalisé, cela ferait diminuer de 10 % le nombre total d’emplois publics, qui s’établit aujourd’hui à 5,4 millions (hors contrats aidés).

Mais comment l’Etat et les collectivités pourront-t-ils continuer d’assurer leurs missions avec moins d’agents ? Sur ce point, les propositions des candidats divergent :

  1. Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-François Copé, Bruno Le Maire et Jean-Frédéric Poisson souhaitent recruter des contrats privés pour remplacer les fonctionnaires qui partent à la retraite. Ce qui engendrerait forcément des coûts (pas forcément annoncés par les candidats), puisqu’il faudra bien payer ces agents publics privés qui assureront les missions autrefois prises en charge par l’Etat.

  2. La suppression de certains « avantages » : MM. Sarkozy, Juppé, Copé et Le Maire souhaitent ainsi restaurer des jours de carence pour lutter contre l’absentéisme ou supprimer les dispositifs de « surrémunération du temps partiel ».

  3. Augmenter le temps de travail pour compenser les baisses d’effectifs : François Fillon veut relever la semaine de travail des fonctionnaires à 39 heures et d’autres souhaitent développer les heures supplémentaires. Pour éviter que cela engendre trop de surcoûts et annule les économies, ces heures supplémentaires devraient toutefois être payées moins que les 35 heures actuelles.

Les moyens des collectivités locales

De 7 à 20 milliards

Les propositions d'économies des candidats à la primaire de la droite pour les collectivités territoriales. | Les Décodeurs

Il est fort probable qu’une bonne partie des économies repose sur les collectivités territoriales, déjà mises à contribution à hauteur d’environ 11 milliards d’euros dans le plan d’économies mis au point par le gouvernement Valls pour financer les baisses de charge des entreprises entre 2014 et 2017… Si certains candidats assurent pouvoir générer des économies en réformant une nouvelle fois le mille-feuille territorial (fusion des départements et des régions, mutualisations des achats entre collectivités…), les expériences passées ont montré que les résultats sont rarement à la hauteur des attentes.

François Fillon annonce la potion la plus amère : - 20 milliards d’euros par an, contre 15 milliards pour Nicolas Sarkozy et 7 à 14 milliards pour Alain Juppé. Bruno Le Maire est le seul candidat à ne pas chiffrer précisément l’effort qui sera demandé aux collectivités, même si celui-ci devrait être conséquent, puisqu’il prévoit la suppression de 380 000 fonctionnaires territoriaux (soit déjà près de 13 milliards d’euros).

Les dépenses de santé

De 5 à 20 milliards

Les propositions d'économies des candidats à la primaire de la droite en matière de santé. | Les Décodeurs

C’est peut-être là où les candidats se différencient le plus. Alain Juppé ne prévoit « que » 5 à 7 milliards d’économies annuelles sur les dépenses de santé (mais jusqu’à 13 milliards si l’on inclut une hypothétique « rationalisation » de la gestion de la sécu), contre 16 milliards pour Bruno Le Maire, 20 milliards pour François Fillon et même 22 milliards pour Nicolas Sarkozy. Soit trois à sept fois plus que dans le plan d’économies 2014-2017 du gouvernement Valls

Ces coupes vont supposer de limiter drastiquement l’augmentation « naturelle » des dépenses de santé, calculée avec l’indice Ondam. M. Le Maire table sur 1 % d’augmentation annuelle, contre 2,1 % dans le dernier budget du quinquennat Hollande pour 2017. Ce qui devrait entraîner une baisse des moyens des hôpitaux et du remboursement des médicaments.

On a plus de mal à voir où M. Fillon va trouver ses 20 milliards d’économies avec un Ondam annoncé à 2 %, puisque la seule autre grande réforme qu’il propose est celle de la carte hospitalière.

La « rationalisation »

Le grand flou

C’est quand on sort des grands ensembles pour entrer dans le puzzle infiniment complexe des dépenses de l’Etat que les chiffrages des candidats commencent à s’éloigner, pour ne pas dire diverger radicalement.

Ainsi, la réforme des allocations-chômage est censée rapporter 10 milliards par an à l’Etat si l’on écoute François Fillon ou Nathalie Kosciusko-Morizet… mais seulement 4 à 6 milliards selon Alain Juppé et Bruno Le Maire – qui n’y incluent certes pas de dispositif de plafonnement des allocations et n’anticipent pas, comme M. Fillon, « les effets de la baisse [hypothétique] du taux de chômage ». Sans même parler de la plate-forme commune du parti Les Républicains (rédigée sous l’égide de Nicolas Sarkozy), qui tablait sur seulement 1 milliard d’économies en rendant les allocations-chômage dégressives.

Les coupes dans les politiques d’intervention sur l’économie, l’emploi et le logement devraient rapporter 2 milliards d’euros, selon la plate-forme commune des Républicains, 3 à 5 milliards selon Alain Juppé et… 15 milliards selon Bruno Le Maire. Là encore, difficile de juger de la crédibilité de ces chiffrages, les candidats ne précisant pas la plupart du temps quels dispositifs ils souhaitent supprimer ou raboter. Mme Kosciusko-Morizet est, à cet égard, la plus claire : elle souhaite diviser presque par deux l’aide au logement, pour un gain annuel de 16 milliards, « en contrepartie d’un financement accru du logement social et étudiant » (non chiffré).

Quant à la « rationalisation » et à l’« optimisation » de la dépense publique, c’est le poste d’économies le plus consensuel, car il ne touche a priori pas aux avantages et aux emplois de personne – surtout quand on ne rentre pas dans les détails. Mais le passage des déclarations d’intention au chiffrage précis est plus délicat car, par définition, il est difficile d’anticiper les gains à attendre d’une politique du détail, qu’à peu près tous les gouvernements assurent déjà mener depuis des années. Alain Juppé compte récupérer jusqu’à 12 milliards par an en jouant sur différents leviers, quand Bruno Le Maire n’en attend que huit et la plate-forme commune des Républicains quatre…

Le caractère approximatif du chiffrage saute aux yeux quand on voit par exemple que les économies attendues de la « digitalisation des administrations » passent du simple au triple entre les programmes d’Alain Juppé et de Bruno Le Maire (1 milliard contre 3). De la même façon, on peut douter que la lutte contre la fraude fiscale rapportera 3 à 4 milliards d’euros sous Bruno Le Maire, sachant qu’elle a déjà généré un record de 2,4 milliards d’euros en 2015…

Précision

En l’absence de propositions plus récentes, nous avons considéré que le programme de Nicolas Sarkozy reposait sur la plateforme programmatique diffusée en mars 2016 par le parti Les Républicains, rédigée sous l’égide de M. Sarkozy, qui en était alors le président.