Barack Obama lors d’une conférence de presse avec la chancelière allemande, Angela Merkel, jeudi 17 novembre. | TOBIAS SCHWARZ / AFP

Pour la première fois depuis l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche, l’actuel président des Etats-Unis a réagi à la polémique relative aux fausses informations circulant sur Facebook, pointées du doigt comme étant en partie responsables de la victoire du candidat républicain.

Jeudi 17 novembre à Berlin, lors d’une conférence de presse commune avec Angela Merkel, Barack Obama a souligné les dangers d’« une époque où il y a tant de désinformation active, très bien présentée, et qui semble identique quand on s’informe sur Facebook ou à la télévision. Si tout a l’air identique et qu’aucune distinction n’est faite, alors nous ne pouvons pas savoir quoi protéger. »

« Si nous ne sommes pas sérieux concernant les faits… »

Mark Zuckerberg, le cofondateur et président de Facebook, s’était défendu après l’élection de toute influence du réseau social sur l’issue du vote. « Personnellement, je pense que l’idée que de fausses informations sur Facebook, qui ne représentent qu’une toute petite partie des contenus, aient influencé la présidentielle est une idée assez dingue », avait-il écrit le 10 novembre. Ce jeudi, M. Obama s’est montré bien plus pessimiste :

« Si nous ne sommes pas sérieux en ce qui concerne les faits, sur ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas, et particulièrement à l’heure des réseaux sociaux, quand tant de gens reçoivent l’information en une phrase sur leur téléphone, si nous ne pouvons pas faire la différence entre les arguments sérieux et la propagande, alors nous avons un problème. »

Selon les calculs de Statista, les articles relayant de fausses informations (comme le faux soutien du pape François à Donald Trump, ou la révélation imaginaire de ventes d’armes par Hillary Clinton à l’organisation Etat islamique) ont suscité 8,7 millions d’interactions sur Facebook, contre 7,3 millions pour les articles de la presse traditionnelle. « Honnêtement, les gens sont devenus beaucoup plus bêtes. Ils se contentent juste de continuer à partager ce qui passe. Personne ne vérifie jamais rien », a confié au Washington Post un important auteur d’articles parodiques, Paul Horner, dont les affabulations ont même été reprises par les équipes de campagne de Donald Trump.

« Trump comprend le nouvel écosystème »

Dans un long entretien publié le 17 novembre par le New Yorker, Barack Obama relie la victoire du candidat républicain à ce contexte. « Trump comprend le nouvel écosystème, dans lequel les faits et la vérité n’ont pas d’importance. Vous attirez l’attention, vous suscitez de l’émotion, et puis vous passez à autre chose. Vous pouvez surfer sur ces émotions », analyse le 44président des Etats-Unis.

L’élu démocrate, qui a reconnu sa surprise face à l’issue du scrutin, n’a pas souhaité sombrer dans le pessimisme le plus total (« Je ne crois pas à l’apocalypse – jusqu’à ce que l’apocalypse soit là. Je crois que rien n’est la fin du monde jusqu’à la fin du monde »). Il estime toutefois que le débat démocratique est le grand perdant de la place prise par la désinformation sur les réseaux sociaux, exemple du réchauffement climatique à l’appui.

« Idéalement, en démocratie, tout le monde devrait convenir que le changement climatique est la conséquence de l’activité humaine, parce que c’est ce que 99 % des scientifiques nous disent. Puis nous devrions débattre d’une manière de régler ce problème. […] Avant vous débattiez des moyens, mais il y avait un socle commun de faits sur lesquels nous pouvions tous nous appuyer. Nous n’avons même plus ça. »

Pour Barack Obama, « le nouvel écosystème médiatique veut que tout soit vrai et que rien ne soit vrai. Une explication du changement climatique par un Nobel de physique est présentée exactement de la même façon sur votre page Facebook qu’un déni du changement climatique par un inconnu payé par les frères Koch », hommes d’affaires américains dont la famille a fait fortune dans la pétrochimie, et importants soutiens financiers des partis républicain et libertarien.