« Collabo ! », « Rentre à Paris ! » Emmanuel Macron est prévenu : désormais en course pour l’Elysée, l’ex-ministre est devenu une cible. Pour son premier déplacement de candidat, jeudi 17 novembre à Marseille, l’ancien bras droit de François Hollande a été accueilli à la gare Saint-Charles par une dizaine de militants SUD, venus protester contre le manque de moyens alloués aux zones d’éducation prioritaire. Mais, preuve qu’il apprend vite, le candidat ne s’est pas démonté et a accepté la discussion, malgré les quolibets.

Pour lancer sa (vraie) campagne, Emmanuel Macron avait décidé – tout un symbole – de venir en terre frontiste, « là où les gens ont mal ». Il a notamment visité un IUT situé près des quartiers nord, dans le 13e arrondissement, dont la mairie est tenue depuis 2014 par le sénateur (FN) Stéphane Ravier.

Même s’il n’est pas sorti du campus et n’a pas rencontré d’habitants, il a défendu devant 150 étudiants sa vision de la société, mélange de « libération » pour les plus entreprenants et de « protection » pour les plus faibles. « Je crois à la République contractuelle », a-t-il indiqué, pointant du doigt les 35 heures, une mesure sur laquelle « on s’est trompés il y a vingt ans ».

Acclamé le soir par quelque 500 sympathisants venus l’écouter aux Pennes-Mirabeau, au nord de Marseille, l’énarque s’en est aussi pris à plusieurs reprises au Front national, mais sans jamais le citer, lui qui dit pourtant vouloir « nommer les choses ». « Je refuse le climat de haine dans lequel le pays est plongé », a-t-il expliqué dans un discours sans notes de quarante-cinq minutes, calibré pour être diffusé en direct sur BFM-TV.

Ce faisant, le désormais ancien haut fonctionnaire, puisqu’il a annoncé avoir démissionné de l’inspection des finances, n’a pas dédaigné prendre des accents populistes. « Nous avons longtemps préféré en France protéger ceux qui avaient déjà, ceux qui étaient déjà autour de la table », a-t-il clamé. Il s’en est pris également aux partis politiques, accusés de ne servir qu’à distribuer de l’argent et à organiser « des débats de syndics de propriété ». « Mais qu’est-ce que c’est que ces partis, ils n’existent plus ! », a lancé M. Macron, très applaudi.

« On y va pour réparer »

Pour autant, le candidat d’En marche ! a aussi courageusement défendu le droit d’asile, demandant « qui peut être fier de voir des hommes et des femmes périr en mer dans ces terres de Méditerranée ». « Nous sommes dans un pays qui a su faire citoyens des étrangers qui partageaient nos valeurs », a lancé l’ex-ministre, rappelant que « la France n’existe qu’ouverte », un discours à rebours de celui de nombreux candidats, même à gauche.

« Nous venons ici car il n’est pas question d’abandonner ces territoires à Marine Le Pen, expliquait Christophe Castaner, député (PS) des Bouches-du-Rhône et membre d’En marche ! Mais nous ne venons pas pour dénoncer, comme le fait toute la classe politique, on y va pour réparer. La réparation plutôt que la dénonciation. » Preuve qu’il s’agit d’un axe de campagne fort, le candidat devrait se rendre lundi 21 novembre en Moselle, notamment à Hombourg-Haut, où le taux de chômage frise les 25 % et où le FN réalise des scores très importants.

Mais s’il veut rester crédible, le champion du « camp des progressistes » devra aussi soigner ses fréquentations. Toute la journée, il a été entouré par des élus proches de l’ex-président du conseil général des Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini, mis en examen dans plusieurs affaires. C’est même Michel Amiel, sénateur de la Force du 13, le parti de M.Guérini, qui a introduit le discours du candidat aux Pennes-Mirabeau, où il avait mis à disposition la salle Tino-Rossi. « Difficile d’organiser quelque chose à Marseille si vous refusez de parler à tous ceux qui ont été à un moment ou à un autre proche de Guérini, justifiait un proche du candidat. On en est conscient, on y fait attention, mais on fait avec. »