Le ministre britannique de la défense, Michael Fallon, le 14 juillet à Londres. | DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP

« On quitte l’Union européenne [UE], on ne quitte pas l’Europe », répètent les officiels britanniques depuis le référendum du 23 juin. Mais le Brexit pose un évident défi à un partenariat militaire franco-britannique jusqu’ici exemplaire. La signature, en marge de la 43conférence du Conseil franco-britannique de défense qui s’est tenue à Paris mercredi 16 et jeudi 17 novembre, d’un accord mutualisant les centres de recherches du fabricant de missiles MBDA témoigne à nouveau de l’étroitesse de ce lien.

Les incertitudes sur l’avenir des relations du Royaume-Uni avec l’UE vont cependant compliquer la donne pour cette coopération comme pour la très balbutiante Europe de la défense. Très méfiant vis-à-vis de la défense européenne et opposé à tout ce qui pourrait être « des duplications inutiles » de compétences avec l’Alliance atlantique, Londres a souvent bloqué des projets. « Mais avec les Français, ils en étaient aussi le moteur, même de façon très imparfaite », reconnaît Christian Lequesne, professeur à Sciences Po Paris.

« Le départ britannique va obliger l’Europe à faire plus pour sa défense, et il met la France face à ses responsabilités, car elle y a un rôle majeur », a admis jeudi le ministre de la défense britannique, Michael Fallon.

Ce dernier veut rassurer aussi bien sur l’ampleur de l’engagement britannique dans l’OTAN que sur le futur d’une coopération de défense avec Paris fondée sur le traité bilatéral de Lancaster House, signé en 2010 pour cinquante ans et élargi au nucléaire.

« La sécurité l’impose, l’amitié l’exige »

Membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et puissances nucléaires, la France et le Royaume-Uni ont en commun « de savoir assumer le risque de la guerre ». Ces deux pays sont en outre les seuls en Europe à pouvoir mener rapidement des opérations extérieures. Dans le cadre du traité, ils ont ainsi mis sur pied depuis le printemps une « force expéditionnaire commune interarmées » avec l’idée de pouvoir déployer 10 000 soldats en commun en cas de crise majeure.

A bien des égards, on pourrait parler d’une alliance modèle. « La sécurité l’impose, l’amitié l’exige », note le ministre de la défense français, Jean-Yves Le Drian. Qu’il s’agisse du Proche-Orient, où Français et Britanniques sont, loin derrière les Etats-Unis, les plus engagés dans la coalition internationale contre l’organisation Etat islamique, de la lutte contre le djihadisme dans le Sahel ou de faire face à des puissances étatiques potentiellement menaçantes comme la Russie, Paris et Londres sont au diapason.

D’où les inquiétudes, notamment côté français. « Quand, avec la mise en œuvre de l’article 50 [sur le retrait de l’UE], vont réellement commencer les négociations sur le statut du Royaume-Uni, l’ambiance ne sera plus la même », redoute un haut fonctionnaire, craignant « une sérieuse pollution de la coopération militaire ».

Sans parler des interrogations croissantes sur la capacité de Londres à maintenir sur le long terme ses capacités de défense, alors même que le coût du Brexit s’annonce beaucoup plus élevé que prévu. « L’opinion britannique voudra-t-elle continuer à payer pour ce qu’elle considère être la sécurité de l’Europe ? », relève un expert. Une interrogation cruciale alors que nul ne sait encore quelle sera l’attitude de la nouvelle administration américaine face aux Européens et à l’OTAN.