Alexandre Lemarié, journaliste chargé du suivi de la droite au Monde, a répondu aux questions des internautes après le dernier débat de la primaire à droite, jeudi.

Mohamed : Les sondages après le dernier débat sont unanimes pour dire que le grand vainqueur est François Fillon. Pensez-vous qu’il peut rattraper son retard d’ici à dimanche ?

C’est une excellente question et un enjeu majeur du premier tour : à quel niveau sera Fillon ? En forte progression dans tous les sondages, le député de Paris talonne désormais les deux favoris Juppé et Sarkozy dans les intentions de vote. Après avoir siphonné Le Maire, il semble monter essentiellement au détriment de Juppé.

La question reste de savoir jusqu’où peut-il aller : obtiendra-t-il un succès d’estime en arrivant troisième ou aura-t-il suffisamment de temps pour se qualifier in extremis pour le second tour ? Même s’il est impossible de savoir à l’avance, son décollage est sûrement trop tardif. Je pense qu’il ne lui reste pas assez de temps pour arriver en finale mais il peut permettre à Sarkozy d’arriver en tête en prenant des voix à Juppé.

Lderco : François Fillon, s’il n’est pas au second tour, affirme qu’il donnera une consigne à ses électeurs. Quelle serait sa consigne ?

Ce matin sur RMC, Fillon a confirmé qu’il donnera bien une consigne de vote. S’il n’est pas qualifié pour le second tour, son attitude sera décisive pour départager Sarkozy et Juppé. A priori, Fillon devrait soutenir le maire de Bordeaux. Il l’a déjà laissé entendre et on ne voit pas comment il pourrait soutenir Sarkozy, après l’avoir beaucoup critiqué depuis 2012. On verra à partir de dimanche soir.

G. David : Tous les journaux parlent d’un débat sans relief et ennuyeux, alors que pour ma part je l’ai trouvé dynamique, parfois musclé et même brouillon. Les médias ne sont-ils pas trop dans la recherche du combat de coqs ?

Ce type d’émission est toujours très compliquée à organiser avec sept candidats sur le plateau voulant tous s’exprimer mais disposant d’un temps de parole limité. L’équilibre à trouver n’est pas évident entre la nécessité d’aborder des sujets de fond, tout en ayant un débat animé… Ce qui a été frappant jeudi soir, c’est que le débat a donné lieu à plusieurs échanges tendus entre les candidats et les journalistes présents sur le plateau. On a notamment vu Nicolas Sarkozy en colère contre la question de David Pujadas sur Ziad Takieddine, Bruno Le Maire furieux du mépris affiché par Jean-Pierre Elkabbach à son égard, François Fillon et Alain Juppé agacés par les règles de l’émission…

Sebastien : Pouvons-nous estimer combien d’électeurs vont se déplacer dimanche et quel candidat serait avantagé par une forte mobilisation ?

Personne ne sait combien il y aura de votants. La fourchette se situe entre 2 et 5 millions, sachant que la primaire du PS, en 2011, avait attiré 2,6 millions d’électeurs au premier tour et 2,8 millions au second. La droite espère atteindre ce niveau de participation, voire plus.

Sarkozy et ses rivaux ont une différence majeure d’approche. Le premier mise sur une faible participation, à hauteur de deux millions, où le noyau dur ferait la différence. Juppé et Fillon espèrent, eux, attirer un maximum d’électeurs, en faisant le pari qu’ils seront plus populaires chez les sympathisants de droite (et non les militants) que Sarkozy.

Wilfrid Brenet : Les résultats du premier tour seront-ils connus dimanche soir ?

Oui, les résultats du premier tour seront connus dimanche soir. Les bureaux de vote seront ouverts de 8 heures à 19 heures. Une fois le dépouillement effectué, les résultats devraient tomber à partir de 21 heures. Vous pourrez suivre la soirée électorale sur Le Monde. fr car la rédaction sera entièrement mobilisée pour couvrir l’événement, notamment avec un live minute par minute donnant les résultats, les réactions et des analyses.

V.L. : Le dernier jour de campagne est ce vendredi mais le vote n’est que dimanche. Cela signifie-t-il que les candidats n’ont pas le droit de faire d’apparitions publiques samedi ?

Oui, c’est la règle. Dans un communiqué publié mercredi, la Haute autorité de la primaire a rappelé la règle : « La campagne pour le premier tour prend fin le vendredi 18 novembre 2016 à minuit. » A compter de ce moment, les candidats ne peuvent donc plus s’exprimer jusqu’à la clôture du premier tour de scrutin, dimanche à 19 heures. Leurs représentants se sont mis d’accord pour qu’il en soit de même pour leurs soutiens.

Tout nouvel acte de propagande électorale, la diffusion de tout nouveau support de campagne, le développement de tout nouvel argument ainsi que toute prise de position dans tout média est interdit et constituerait une violation de la charte de la primaire.

Mimile2000 : Est-il envisageable d’imaginer Sarkozy absent du second tour ?

Oui, tout est envisageable car avec la montée de Fillon, on est passé d’un match à deux entre Juppé et Sarkozy à un match à trois dans lequel tout peut arriver. Les trois favoris devraient se situer dans un mouchoir de poche dimanche soir. L’ordre est impossible à prévoir. Il y aura bien un candidat éliminé parmi eux. Si Fillon continue à progresser, il peut très bien dépasser Sarkozy, qui le devance que de sept points dans notre enquête Ipsos-Cevipof-Le Monde (29 % contre 22 %). Mais l’ex-chef de l’Etat garde un atout majeur : le noyau dur des électeurs Les Républicains semble prêt à se mobiliser en masse pour lui, ce qui lui assure un socle de voix. Sera-ce suffisant pour résister à la poussée Fillon ? On verra dimanche…

Marine : Quels sont les principaux objectifs de François Fillon ?

Après avoir été premier ministre, il dit n’avoir qu’un objectif : l’Elysée. Mais s’il est éliminé du second tour, son attitude sera déterminante pour départager les deux finalistes. Il sera alors en position de force pour négocier un poste, au cas où il le souhaiterait. Il se murmure notamment qu’il pourrait être intéressé par la présidence de l’Assemblée, en cas de défaite. Mais pour l’instant, on n’en est pas là : il vise la qualification pour le second tour, dimanche.

Leonard Kraditor : Qui sont les soutiens principaux de François Fillon parmi les parlementaires ou les élus d’envergure ?

Fillon dispose de près de 70 parlementaires le soutenant, dont le président du Sénat, Gérard Larcher, le président du groupe Les Républicains au Sénat, Bruno Retailleau, l’ex-président de l’Assemblée, Bernard Accoyer, ou les députés Serge Grouard, Isabelle Le Callennec… Sans compter ses deux porte-parole, les députés Jérôme Chartier et Valérie Boyer. Mais M. Fillon a perdu plusieurs de ses principaux lieutenants ces dernières années, comme Valérie Pécresse, Eric Ciotti ou Eric Woerth.

Guillaume : NKM nous a gratifié de métaphores plus insolites les unes que les autres lors des trois débats. Ne pensez-vous pas qu’elle a joué un rôle secondaire lors de la primaire ?

NKM ne joue pas la gagne, comme elle l’a admis jeudi soir lors du débat. Son objectif est double dans cette primaire : faire entendre sa ligne singulière « bobo-connecté-urbaine ». Et surtout prendre date pour l’avenir. Derrière le match entre les favoris se cache le match de la nouvelle génération à droite, qui se joue entre Bruno Le Maire, Laurent Wauquiez, François Baroin et elle. C’est pour cette raison qu’elle a beaucoup attaqué le député de l’Eure dans le dernier débat : pour prendre la pole position dans sa génération, au lendemain de la primaire.

Fred. D. : Qu’est-ce qui différencie le plus Juppé et Fillon sur les sujets économiques ?

IIs ont plusieurs différences sur leur projet économique, en particulier sur le nombre de postes de fonctionnaires à supprimer. Fillon veut en supprimer 500 000 (après avoir dit 600 000), alors que Juppé prévoit moitié moins et juge la proposition de son rival impossible à appliquer. Sur les 35 heures aussi, les deux hommes ne proposent pas la même chose. Fillon est celui qui va le plus loin, en s’engageant à laisser une liberté totale aux entreprises pour négocier le temps de travail, dans la limite d’une durée maximale de 48 heures. Juppé, lui, entend relever à 39 heures la durée de référence, en laissant deux ans aux entreprises pour négocier une durée inférieure – en l’absence d’accord, la durée de référence sera fixée à 39.

Autre différence : M. Fillon veut supprimer purement et simplement le monopole syndical, pas Juppé. Fillon veut baisser de 50 milliards d’euros ­les prélèvements sur les sociétés, Juppé se situe plutôt autour de 30 milliards… Ils se retrouvent en revanche sur la suppression de l’ISF, la retraite à 65 ans ou sur la baisse des dépenses publiques à hauteur de 100 milliards d’euros.

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Lou : Que veut dire Nicolas Sarkozy quand il parle d’une « allocation nationale sociale unique » ?

Cette idée, d’abord émise par François Fillon pendant la campagne, a été reprise par Nicolas Sarkozy. Elle consiste à regrouper toutes les aides sociales existantes en une seule, qui serait plafonnée pour se situer en dessous des revenus du travail. C’est une manière de lutter contre ce que les candidats de droite appellent « l’assistanat ».

PM : Si Sarkozy ne remporte pas cette primaire, que fera-t-il ? Rester président du parti Les Républicains semble difficile, non ?

C’est une excellente question, que se posent beaucoup de gens, aussi, chez Les Républicains. Dans son entourage, on estime que si Sarkozy ne se qualifie pas au second tour, il jouera le jeu du rassemblement avec le vainqueur. « Même si on fait toujours campagne pour gagner, je n’ai aucun doute sur le fait que Nicolas Sarkozy soutiendra un autre candidat si ce n’est pas lui qui l’emporte », assure Gérald Darmanin, son coordinateur de campagne. Par ailleurs, il est hors de question qu’il revienne à la tête du parti s’il est éliminé.

Etats-unien d’Europe : Peut-on déjà avancer que NKM, Le Maire et Copé seront de nouveau de la partie dans la perspective d’une primaire à droite pour l’élection présidentielle de 2022 ?

C’est fort probable, quel que soit leur résultat dimanche. Ces trois personnalités ne cachent pas avoir la présidentielle de 2022 en ligne de mire. Mais d’ici-là, on aura le temps de s’en reparler…