Le préfet Jean Daubigny ( à l’arrière-plan) accompagne Manuel Valls et le préfet de police Bernard Boucault en 2015. | KENZO TRIBOUILLARD / AFP

C’est la consternation dans le tout petit monde de la préfectorale. L’un des anciens membres les plus capés de ce corps de hauts fonctionnaires a passé plusieurs heures en garde à vue, mercredi 16 novembre, pour être interrogé dans une affaire de fraude fiscale. Jean Daubigny, préfet de Paris et d’Ile-de-France de la fin 2012 jusqu’à son départ à la retraite, au printemps 2015, est soupçonné « d’omission déclarative à l’impôt sur le revenu ». Autrement dit, de ne pas avoir communiqué au fisc sa déclaration de ressources durant plusieurs années. Le total « des droits éludés » par lui-même et par son épouse s’élève approximativement à « 190 000 euros sur la période 2011-2014 », précise une source judiciaire. Le couple se voit également reprocher de ne pas avoir payé des impôts fonciers (taxe d’habitation, taxe foncière).

Les enquêteurs ne sont pas remontés au-delà de 2011, la prescription étant acquise, mais il semblerait que le comportement des deux mis en cause « s’inscrit dans la durée ». Sous-entendu : leurs manquements ont peut-être débuté avant la période incriminée.

L’audition de M. Daubigny et de sa femme par la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, à Nanterre, fait suite à une plainte de la Direction générale des finances publiques déposée au début de l’été. Elle a conduit le parquet de Paris à ouvrir une enquête préliminaire, en août.

« On lui donnerait le bon dieu sans confession »

Face aux enquêteurs, l’ancien préfet aurait justifié son comportement en indiquant, en substance, qu’il avait été « dépassé » et qu’il n’était pas en capacité de gérer ses affaires. Son épouse, elle, aurait dit qu’elle ne s’occupait pas de ces sujets.

Avant d’être nommé préfet d’Ile-de-France, M. Daubigny avait été, pendant sept mois, directeur du cabinet de Manuel Valls, quand ce dernier était ministre de l’intérieur. Son nom, d’après un de ses pairs, aurait été suggéré à M. Valls par Jean-Marc Ayrault, alors premier ministre. Lui et M. Daubigny s’étaient croisés à maintes reprises lorsque le premier était maire de Nantes et le second préfet de la région Pays de la Loire. « Manuel Valls cherchait un préfet de région de gauche et il n’y en a pas beaucoup dans le corps », complète un autre préfet.

L’attelage formé par MM. Valls et Daubigny semble ne pas avoir fonctionné : « Un directeur de cabinet est constamment sous pression et doit prendre une multitude de décisions dans la minute. Cela ne correspond pas au tempérament de Jean Daubigny », estime un de ses anciens collègues.

Ceux qui l’ont fréquenté décrivent un personnage « affable », « attentif aux autres », « diplomate », « auquel on donnerait le bon dieu sans confession », mais qui aurait de la peine à trancher, pesant constamment le pour et le contre. « Il est d’une prudence telle que je ne le voyais pas être soupçonné de fraude fiscale », confie un ancien « haut gradé » du ministère de l’intérieur. « Je le connais très bien et suis sidéré par les accusations portées contre lui », réagit un préfet. « Je suis tombé de ma chaise quand j’ai appris la nouvelle, enchaîne un autre préfet. Tout ceci va contribuer à la mauvaise image générale de la haute fonction publique. »

Sollicitée par Le Monde, l’avocate de l’épouse de M. Daubigny, Me Nathalie Catan, n’a pas souhaité faire de commentaire. L’ancien préfet, quant à lui, n’a pu être joint.