A Toulouse, dimanche 20 novembre. | Arnold Jerocki

  • A Béziers, « personne ne s’attendait à une telle affluence »

A l’hôtel de ville de Béziers, la file d’attente pour voter à la
primaire de la droite s’allonge jusque sur le parvis. La rumeur se
répand parmi les électeurs, inquiets d’arriver en retard au repas
dominical : « il faut attendre quarante-cinq minutes » ; « la dame qui sort m’a dit
une heure et quart ! »
Une femme quitte les lieux sans avoir voté :
« Ils ont besoin de ma voix, pas l’inverse. Je n’ai pas que ça à
faire. »

A l’intérieur, Pascal Resplandy, conseiller municipal Les
Républicains, ne cache pas sa nervosité. « Ils ont concentré onze
bureaux de vote habituels sur l’hôtel de ville. Personne ne
s’attendait à une telle affluence. Soit il y autant de monde dans les
autres bureaux de vote de la ville, et c’est un problème d’affluence,
soit c’est un problème de calibrage. »

  • A Bordeaux, « On ne peut pas voter ici malgré tout ? »

A Bordeaux, Philippe Pinault, 46 ans, est venu voter a l’hôtel de ville par défaut, pensant qu’il pouvait voter partout. Il n’est pas le seul. Beaucoup sont redirigés par une dame à l’accueil qui vérifie avec eux leur affiliation. Pour autant, ils ne sont pas découragés : « Bordeaux est une petite ville, ce n’est pas Los Angeles, on va y aller. » « On ne peut pas voter ici malgré tout ? » Demande un monsieur âgé qui arrive d’un autre bureau et qui doit y retourner.

Antoine, 43 ans, Bordelais de naissance, ne comprend pas pourquoi Les Républicains organisent une primaire. Son candidat, c’est François Fillon, et il estime qu’il aurait directement dû se présenter à la présidentielle. « Cette primaire n’est pas compatible avec la VRépublique, mais je vote quand même car je veux que François Fillon l’emporte. »

  • A Angers, « je reste partagée »

Dans le centre-ville d’Angers, sur le coup de midi, le son de cloches électoral est très perceptible. « J’aime bien Poisson mais je ne veux pas de retirer de voix à Fillon, donc je voterai Fillon. » Marie Behaghel, 83 ans, sort à peine de la messe. Et comme elle, nombre de paroissiens de l’église Saint-Joseph s’apprêtent à voter en faveur du député de Paris, originaire de la Sarthe, département voisin de la préfecture du Maine-et-Loire.

La proximité géographique ? « Ça, je m’en fiche qu’il soit du coin », coupe Laurent Bezie, 40 ans, le chef de chœur. Avocat de profession, lui aussi apportera son soutien à François Fillon. « Poisson n’est pas plus chrétien que lui, son parti a beau s’appeler le Parti chrétien-démocrate. Et puis, il est limité politiquement », ajoute-t-il sur le parvis, alors que les enfants des « guides d’Europe », béret en évidence, proposent leurs pâtisseries.

Anne, elle, hésite encore. Cette enseignante en lettres dans un lycée pro attend une révélation sur le chemin du bureau de vote. « Ce vote me traverse le cœur, j’hésite encore, confesse cette future électrice, qui tient à son anonymat. Poisson est vraiment le plus catholique, celui qui défend le mieux ce que je pense. Mais comme je veux faire barrage à Juppé, je reste partagée entre Poisson, Fillon… et Sarkozy. »

  • Dans le Doubs, « on fait du 100 à l’heure ! »

« On fait du 100 à l’heure ! » Laurence Mulot est satisfaite. La fréquentation, dans le bureau qu’elle préside, au cœur de l’école publique du quartier de Bregille, à Besançon (Doubs), est régulière. Lors des élections générales, le lieu est réputé voter plutôt à gauche. Si la colline de Bregille figure parmi les quartiers les plus huppés de la ville, il accueille des électeurs du secteur des Clairs-Soleils, beaucoup plus populaire. Evidemment, Mme Mulot et ses assesseurs ne connaissent pas tout le monde. Mais assez, en tout cas, pour constater que des gens de gauche ont fait le déplacement. « Après, il faut se montrer prudent, commente-t-elle. Il peut y avoir des gens que nous supposions à gauche et qui ne le sont pas. Il y en a d’autres, par contre, qui sont bien identifiés comme tels. Certains avec lesquels, d’ailleurs, nous avons eu parfois des prises de têtes… »

A une trentaine de kilomètres de là, à Baume-les-Dames, l’ambiance est plus familiale. Le bureau que supervise le benjamin des présidents de Franche-Comté, Baptiste Huot, 18 ans et 9 mois, est situé en zone rurale. Lui-même est fils d’agriculteurs, installés à Villers-Saint-Martin, non loin de là. Etudiant en première année de droit, il a aussi repéré quelques électeurs de gauche. « Pas beaucoup, ça se compte sur les doigts d’une main », relativise-t-il. Lui, dont c’est l’entrée dans la vie citoyenne, ne les comprend pas. « Comment peut-on signer en conscience la charte portant sur nos valeurs si on ne les partage pas ? » s’offusque-t-il. Après, difficile d’être surpris. A Besançon, une conseillère municipale écologiste, Catherine Thiébaut, élue au titre d’EELV et désormais non-encartée, a fait savoir quelques jours plus tôt sur son compte Facebook son intention d’aller voter Alain Juppé, « le moins pire », selon elle. « C’est une primaire ouverte, nous accueillons tout le monde… », soupirent Mme Mulot et M. Huot.

A Baume-les-Dames, l’ancien maire (Les Républicains), Marc Pétrement, 81 ans, a toujours « été proche d’Alain Juppé » mais la campagne de François Fillon l’a surpris « en bien ». Il a longuement réfléchi avant de prendre sa décision. Il n’en dira pas plus. « Signe que les débats n’ont pas été inutiles », commente M. Huot, connu pour être Sarkozyste mais qui donnera cette fois son bulletin à Bruno Le Maire « pour le changement ». M. Pétrement promet d’assister au dépouillement. Chacun a le sourire, salue autrui, prend des nouvelles. « C’est une primaire au sein d’une même famille, ce n’est pas une guerre », plaisante un électeur.

  • A Calais, « seuls les plus motivés » sont allés voter

Les électeurs calaisiens ne se sont pas précipités dans leurs sept lieux de vote dimanche. La faute principalement à la violente tempête qui soufflait depuis la fin de la nuit sur la Manche, des rafales à plus de 160 km ayant été enregistrées au cap Gris-Nez. Sans surprise, parmi les personnes interrogées dans trois bureaux de quartiers à la sociologie différente, le trio Sarkozy-Juppé-Fillon se détachait. Pas moyen de dénicher un quidam ayant voté pour l’un des quatre autres…

La droite calaisienne est en grande partie sarkozyste, comme sa maire, Natacha Bouchart, qui avait mis fin à trente-sept ans de domination communiste sur la mairie.
Si la salle de sport Nelson-Mandela, dans le quartier du Fort Nieulay, présente ses larges vitres fissurées, ce ne sont pas les bourrasques nocturnes mais une petite délinquance locale qui en est à l’origine. La halle, entre des tours austères façon HLM et une lande exposée aux vents, est restée déserte une bonne partie de la journée. Il faut dire qu’ici, les taux d’abstentions aux régionales atteignaient des records, à peine trois électeurs sur dix s’étaient déplacés. Et, dans cet ancien bastion communiste du Nieulay, c’est désormais le Front national qui sort en tête des urnes.

  • A Châteaurenard, un incident de scrutin

Un incident de scrutin s’est déroulé ce dimanche 20 novembre au matin, avant même l’ouverture des bureaux à Châteaurenard (Bouches-du-Rhône), comme l’a relaté L’Obs sur son site Internet. Dans cette ville dont le maire et député, Bernard Reynes, est également président du comité de soutien de Nicolas Sarkozy dans la circonscription, Jean de Suzzoni, le délégué désigné par l’équipe de François Fillon, n’a pas été accepté par le président du bureau. « Il m’a dit que je n’étais pas dans les listings ni d’assesseurs, ni de délégués et qu’il ne pouvait me reconnaître dans ma fonction, a expliqué au Monde M. De Suzzoni. Je lui ai montré les mails du cabinet de M.Fillon mais cela n’a pas suffi ». Sur place dès 7 heures, M. De Suzzoni dit également avoir constaté que les votes ont commencé à 7h52 dans ce bureau, unique site de votes de la commune, soit huit minutes avant l’ouverture officielle du scrutin. Joint en milieu d’après-midi, Bernard Reynes, député et maire de Châteaurenard, se dit « furieux de l’ampleur prise par cette histoire ». « J’étais dans le bureau ce matin à 7h50 quand ce monsieur est arrivé. Il y est resté jusqu’à 8h30, mais il n’était inscrit ni comme délégué, ni comme assesseur. Nous ne l’avons donc pas accepté comme tel. La Haute autorité nous a d’ailleurs confirmé que c’était la bonne façon d’agir ». Quant à l’ouverture prématurée du scrutin, le maire n’en démord pas : « Si le bureau était bien ouvert plus tôt, les votes n’ont commencé qu’à 8 heures ». Du côté de l’équipe de François Fillon, on a demandé à la Haute autorité de se pencher sur l’incident.