Les cordonniers ne sont pas, toujours, les plus mal chaussés. Le site Ulule, qui offre aux internautes l’opportunité de financer des albums BD, un espace pour fabriquer des meubles en béton à Aubervilliers ou encore de sauver une librairie dans la Sarthe, a annoncé mercredi 7 septembre avoir collecté 5 millions d’euros pour poursuivre ses propres projets.

Le marché est dominé par trois plates-formes américaines, GoFundMe, Indiegogo et Kickstarter, ce dernier ayant élargi son offre à la France en mai 2015

Avec une ambition affichée : « Nous voulons à moyen terme figurer dans le top 3 mondial des services de financement participatif sans contrepartie financière », affirment Alexandre Boucherot, cofondateur, et Arnaud Burgot, directeur général d’Ulule. Le marché est dominé par trois plates-formes américaines, GoFundMe, Indiegogo et Kickstarter, ce dernier ayant élargi son offre à la France en mai 2015. « Cela veut dire collecter 1 milliard d’euros par an », poursuivent les deux dirigeants. Sachant qu’en six ans Ulule a aidé 14 600 projets à réunir 61 millions d’euros, la marche paraît haute.

Pour y parvenir, le numéro un européen, qui emploie actuellement 30 personnes, prévoit de tripler ses effectifs afin notamment d’accélérer son développement international, en Italie ou en Belgique. « Notre métier suppose un maillage local car le mode d’accompagnement des projets est spécifique à chaque pays », plaident MM. Boucherot et Burgot. « Nous offrons un coaching aux porteurs de projets. Cela nous coûte en termes de marge, mais cette philosophie entrepreneuriale nous tient à cœur et crée de la valeur à long terme. »

M. Boucherot s’est d’ailleurs installé il y a deux ans au Canada pour y faire grandir le site français : « Je suis bien placé là-bas pour voir les déçus des grandes plates-formes américaines », explique-t-il.

Segment en perte de vitesse

C’est la première fois depuis sa création en 2010 qu’Ulule ouvre son tour de table, au-delà de quelques « business angels ». Trois fonds d’investissement font leur entrée : l’un émanant de BNP Paribas – son partenaire bancaire historique –, l’autre de la MAIF – l’assureur le plus en vue sur l’économie collaborative –, le troisième étant Citizen Capital, un « fond d’impact » qui investit dans les projets conjuguant performance financière et dimension sociale. Ensemble, les investisseurs extérieurs détiendront environ 30 % du tour de table du site de mise en relation.

Ulule, comme son challenger KissKissBankBank, propose aux contributeurs de soutenir des projets innovants ou humanitaires en échange de contreparties, que ce soit une invitation à un cocktail d’inauguration ou un album dédicacé. Parmi les histoires emblématiques, il y a eu ainsi les 36 000 euros collectés pour lancer le magazine trimestriel La Revue dessinée, du dessinateur Franck Bourgeron, 40 000 euros pour D-Vine (le « Nespresso du vin ») ou encore 275 000 euros pour permettre à SOS Méditerranée d’affréter le bateau Aquarius pour sa campagne de sauvetage en haute mer.

« Ces plates-formes se sont lancées les premières dans le crowdfunding. Elles ont permis d’évangéliser les Français à ces nouvelles formes de financement mais c’est aujourd’hui le segment qui croît le moins vite », souligne Jean-Michel Pailhon, conseil stratégique dans les technologies financières. Selon le baromètre de l’association Financement participatif France, 50 millions d’euros ont été collectés par l’intermédiaire les plates-formes dites « de dons » en 2015, sur un total de 297 millions d’euros. Soit une croissance de 31 % pour les pionnières contre un doublement pour le marché total du financement participatif, tiré par le succès des plates-formes de prêt (Younited Credit, Lendix…).