Angela Merkel, le 9 novembre à Berlin. | AXEL SCHMIDT / REUTERS

Editorial du « Monde ». La simultanéité de deux événements politiques majeurs, dimanche 20 novembre, de chaque côté du Rhin, a offert un parallèle fascinant. Côté français, une soirée à forte intensité dramatique, riche en acteurs et en rebondissements. Côté allemand, un spectacle minimaliste, avec une seule protagoniste en scène. Les deux pays affrontent pourtant le même enjeu : qui défendra les couleurs de la droite aux élections de 2017, la présidentielle française, en mai, les législatives allemandes, en septembre ?

Dimanche, chacune des deux droites a montré un double visage. En France, celui de l’innovation démocratique, incarnée par l’exercice de la primaire, inédit pour elle ; mais aussi celui de la confusion politique, conséquence logique de la primaire qui met en scène les divisions internes. En Allemagne, celui du classicisme et de la clarté : lors d’une conférence de presse, exercice banal au possible, Angela Merkel, la présidente du parti au pouvoir depuis onze ans, est simplement venue dire qu’elle entendait continuer à diriger le gouvernement pendant quatre années de plus.

Ruptures et continuité

Ces deux spectacles marquent d’abord une différence profonde sur la question du leadership. En France, celui qui présidait le pays il y a quatre ans, Nicolas Sarkozy, a été sèchement renvoyé – une nouvelle fois – à ses « passions privées » ; celui qui paraissait invulnérable ces derniers mois, Alain Juppé, a été relégué à un statut d’outsider ; celui que l’on condamnait à jouer les éternels seconds rôles, François Fillon, peut aujourd’hui imaginer d’entrer à l’Elysée. Le contraste est saisissant avec l’Allemagne, où Angela Merkel préside l’Union chrétienne-démocrate (CDU) depuis seize ans. Seize ans au cours desquels le principal parti de la droite française a changé trois fois de noms (RPR, UMP, Les Républicains) et connu huit chefs successifs.

Angela Merkel n’a jamais dévié de son refus de céder au populisme, qu’elle affronte avec la plus grande clarté

La ligne politique offre également de sérieuses nuances. A cinq mois de la présidentielle, la droite française hésite entre deux lignes : celle, résolument libérale et conservatrice de M. Fillon, ou celle, héritière d’un néogaullisme plus modéré et sans doute plus rassembleur, de M. Juppé. A dix mois des législatives, la droite allemande a déjà tranché : malgré les contestations dont elle a fait l’objet au sein de son propre camp sur sa politique d’accueil des réfugiés, la candidate Merkel semble décidée à rester fidèle aux idées qu’elle a défendues comme chancelière : même si elle a récemment affiché une plus grande fermeté sur les questions d’immigration et d’identité, elle a clairement indiqué, dimanche, qu’elle mènerait une campagne de centre droit, conforme à l’orientation qu’elle a donnée à la CDU depuis des années.

Les droites française et allemande ont enfin eu, jusqu’ici, une approche différente du défi de l’extrême droite. Angela Merkel n’a sur ce point jamais dévié de son refus de céder au populisme, qu’elle affronte avec la plus grande clarté. En France, malgré la ligne de fermeté adoptée par M. Juppé, la tentation de la course aux extrêmes reste assez partagée chez Les Républicains.

Fragilisée au début de l’année, Mme Merkel a donc remarquablement résisté aux turbulences, mieux que ses amis de la droite française. Outre le talent personnel de la chancelière, cette formidable stabilité politique allemande est aussi le reflet d’un pays dont l’économie reste solide dans la mondialisation, avec un taux de chômage deux fois moins élevé qu’en France. Très exactement ce dont rêve la droite française depuis vingt ans !