Alain Juppé en meeting à Toulouse, mardi 22 novembre. | Jean-Claude Coutausse / french-politics pour Le Monde

Puisqu’il a décidé de « continuer le combat » et qu’il n’y a que cinq jours de campagne dans l’entre-deux-tours, Alain Juppé ne perd pas de temps. Arrivé second du premier tour de la primaire avec 28,6 % des voix, le maire de Bordeaux multiplie les interviews et les attaques contre François Fillon qui a, lui, recueilli 44,1 % des suffrages, dimanche soir. Au pied du mur, Alain Juppé est enfin passé à l’offensive après avoir capitalisé sur ses bons sondages pendant des mois.

Mardi 22 novembre, l’équipe de M. Juppé lui a organisé sa première grande réunion publique à Toulouse. Fait rarissime, sa femme, Isabelle Juppé, est montée sur scène pour décrire un homme qui la « rassure dans le monde de plus en plus turbulent et tourmenté », un homme « capable d’émotion, de passion et d’émerveillement ». Nathalie Kosciusko-Morizet et Jean-François Copé, deux des perdants de dimanche, ont aussi fait leur part du travail. L’une pour dénoncer les « conservatismes », l’autre pour attaquer le bilan « 2007-2012 de Nicolas Sarkozy et François Fillon ».

« Il y a une France nostalgique de l’ordre ancien »

Preuve que l’urgence est grande, Alain Juppé a passé la moitié de son discours à dénoncer le programme de François Fillon. « Notre vision de la société française n’est pas exactement la même. Moi je veux une France résolument ouverte sur la participation citoyenne, sur l’avenir. L’avenir, c’est l’égalité entre les femmes et les hommes et une croissance respectueuse de l’environnement », a lancé l’ancien premier ministre avant de dénoncer le conservatisme de son rival : « Il y a une France nostalgique de l’ordre ancien qui a pour modèle Mme Thatcher. »

L’opposition entre un Alain Juppé qui serait le candidat de la modernité et un François Fillon, représentant des réactionnaires, est utilisée depuis mardi matin par l’équipe d’Alain Juppé. « Il y a des points sur lesquels j’aimerais bien que François Fillon clarifie sa position, par exemple sur l’avortement et l’interruption volontaire de grossesse (IVG) », a déclaré le maire de Bordeaux sur Europe 1. Tout à sa volonté de mener une bataille « projet contre projet », l’équipe d’Alain Juppé a retrouvé une déclaration de M. Fillon qui, le 22 juin à Aubergenville (Yvelines), avait estimé que « philosophiquement et compte tenu de [sa] foi personnelle », il ne pouvait pas « approuver l’avortement ». L’ancien premier ministre s’est donc posé en défenseur de l’IVG lors de sa réunion publique à Toulouse : « L’IVG est aujourd’hui un droit fondamental, un droit durement acquis pour les femmes. »

L’ombre de l’extrême droite

Lors du meeting d'Alain Juppé, candidat à la primaire de la droite, à Toulouse, mardi 22 novembre. | ean-Claude Coutausse/French politics pour "Le Monde"

Mardi soir, Alain Juppé a été encore plus loin en évoquant les « soutiens venus d’extrême droite » de M. Fillon. Une référence à Aymeric Chauprade, député européen qui a quitté le FN et a offert, mardi 22 novembre, ses services au député de Paris. Carl Lang, ancien secrétaire général du FN et président du Parti de la France, a, lui, envoyé un communiqué, dimanche pour appeler à « confirmer le rejet d’Alain Juppé ». Le maire de Bordeaux a aussi évoqué Sens commun, mouvement politique issu de La Manif pour tous, dont la mobilisation a sans doute apporté beaucoup de voix à M. Fillon. M. Juppé a décrit un des élus municipaux appartenant à ce mouvement qui refuse de voter les subventions en faveur des associations d’homosexuels. « Ce n’est pas ma conception de la tolérance », a-t-il expliqué en déplorant une nouvelle fois une « campagne dégueulasse » sur les réseaux sociaux où il est parfois surnommé « Ali Juppé » : « J’aurais aimé qu’un certain nombre de mes compétiteurs condamnent ces attaques ignominieuses. »

Des déclarations qui risquent d’animer encore un peu plus les relations entre les deux équipes. « Jamais je n’aurais pu penser que mon ami Alain Juppé tombe aussi bas », a réagi François Fillon, nouveau favori de la primaire à droite, mardi 22 novembre, alors qu’il était en déplacement à Viry-Châtillon (Essonne). Le débat télévisé de jeudi soir sera le moment clé de cet affrontement. Le maire de Bordeaux et ses proches veulent continuer à clarifier le programme de François Fillon et le faire apparaître comme un projet irréaliste sur la baisse de 500 000 emplois publics ou naïf sur les questions de sécurité. « Je n’ai jamais promis la lune, je ne transigerai pas, je ne reculerai pas », a estimé M. Juppé, mardi soir. Ensuite, ils espèrent faire infuser l’idée qu’Alain Juppé est le mieux placé pour gagner la présidentielle car il n’aura pas François Bayrou dans les pattes.

Le principal souci de cette stratégie est qu’il faut contrer les arguments très droitiers de François Fillon avec de la modération. Rattraper près de 16 points de retard en prônant le réalisme est un défi très compliqué. Surtout quand, dimanche soir, le peuple de droite semble avoir exprimé une volonté de rupture tout en se montrant très sceptique sur la ligne de rassemblement avec le centre. Cette tactique avait en fait été pensée pour contrer les outrances de Nicolas Sarkozy. Elle a été adaptée au profil de François Fillon, un homme qui n’a pas les aspérités de l’ancien président de la République.

Juppé appelle Fillon à « clarifier sa position » sur l’avortement
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