Symptôme des dysfonctionnements du système français d’enseignement supérieur, la faible réussite en premier cycle universitaire persiste. La version 2016 des « Parcours de réussite aux diplômes universitaires », publiée mercredi 23 novembre par le ministère, ressemble aux notes des années précédentes.

Avec un taux d’obtention de la licence (bac +3) en trois ans de 27,5 %, la génération inscrite pour la première fois à l’université en 2012-2013 ne réussit pas mieux que les précédentes (entre 26,6 % et 27,8 % depuis cinq ans). Seulement 40,1 % des nouveaux inscrits à l’université en 2014-2015 ont validé leur première année de licence, un chiffre stable par rapport aux années précédentes.

« Ces chiffres ne sont pas bons, mais il s’agit d’une cohorte ancienne », fait valoir Thierry Mandon, secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur, à propos des résultats sur trois ans.

Il l’explique notamment par le poids plus important, en 2011, des bacheliers technologiques et professionnels, lesquels réussissent beaucoup moins bien à l’université que les bacheliers généraux. Ces derniers représentant cette année « 81 % des inscrits à l’université, contre 73 % en 2011 », le secrétaire d’Etat table sur une amélioration du taux de passage de L1 en L2 « de plus de trois points pour l’année 2016-2017, et ce sera aussi le cas pour le succès en L3, que l’on verra dans plusieurs années… »

Boom démographique

M. Mandon y voit un effet – à venir – de sa « politique d’orientation active », qu’il appelle à renforcer : portail admission post-bac (APB) mieux balisé, rôle accru des recteurs dans l’orientation et l’inscription des candidats, réservation des places de BTS et d’IUT aux bacheliers professionnels et technologiques pour qui elles sont les plus adaptées, et, plus récemment, annonce de la création de 1 000 nouvelles places de BTS par an.

L’amélioration de la réussite en licence, toujours invisible, est pourtant un objectif poursuivi de longue date. Dès 2008, un plan pour la réussite en licence avait été lancé par la ministre Valérie Pécresse, doté de 730 millions d’euros sur cinq ans, et instituant des tutorats, des dispositifs de réorientation en cours d’année, des groupes de TD allégés, etc. Eparpillées, ces expérimentations ont depuis perdu de leur élan.

En 2012, la nouvelle majorité a surtout mis l’accent sur les conditions d’études, en investissant plus de 400 millions d’euros dans le système de bourses à partir de 2012. Elle avait aussi promis 5 000 emplois supplémentaires dans les facultés.

Mais face au boom démographique dans les universités, ces moyens ont surtout servi à répondre aux nécessités de fonctionnement les plus urgentes. « Les dispositifs visant à faire rebondir les étudiants en décrochage disparaissent malheureusement souvent avec les difficultés financières. Les universités sont parfois obligées de se concentrer sur ceux qui sont encore là plutôt que sur ceux qui ont décroché. Même si ce sont des choix difficiles à faire », déplore Françoise Lambert, secrétaire fédérale du SGEN-CFDT et maître de conférences en économie à l’université de Poitiers.

Volontarisme des établissements

Le chantier de la réussite en licence repose in fine sur le volontarisme des établissements, et leur capacité à trouver ou renouveler des financements pour maintenir leurs programmes de réussite.

A Angers, par exemple, les étudiants sont plus de 44 % à obtenir leur licence en trois ans, soit dix-sept points de mieux que la moyenne nationale. Mais le dispositif de réorientation Transver’sup lancé en 2009 – douze heures d’accompagnement par semaine pour les étudiants de L1 en risque de décrochage –, s’est arrêté en 2015, lorsque le financement initial s’est interrompu.

A la rentrée 2016, il a été remplacé par un autre projet, le « DARE » (Dispositif d’accompagnement à la réussite des étudiants), désormais cofinancé par la région et l’Europe, à destination des étudiants issus d’un bac pro ou techno, ainsi que des boursiers.

« Lorsqu’un dispositif semble fonctionner, on arrive toujours à trouver un moyen pour le pérenniser d’une manière ou d’un autre », plaide Sabine Mallet, la vice-présidente chargée de la formation et de la vie universitaire.

« Semestre renouvelé »

« On arrive petit à petit à pérenniser certains dispositifs d’accompagnement. Pour d’autres on essaie de les transformer en outils numériques, mais ce n’est pas toujours possible », tempère Laure Echalier, chargée de mission IDEFI (« Initiatives d’excellence en formations innovantes », un appel à projet lancé en 2011) à l’université Montpellier 3, en milieu de tableau en termes de réussite en licence.

Son établissement promeut une vingtaine d’actions spécifiques parmi lesquelles le « semestre renouvelé », stage intensif de trois semaines en fin d’année permettant de rattraper une moyenne négative. Mais leur financement n’est pas assuré au-delà de 2019…

« On ne peut pas demander à tel ou tel département d’université de résoudre seul la problématique de la réussite en licence, qui le dépasse largement. Ce n’est tout de même pas la faute de l’université si ceux qui s’y sont orientés par défaut ne réussissent pas », conclut François Sarfati, chercheur au Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET).

Les responsables des programmes font eux valoir que la réussite en licence ne peut reposer seulement sur des projets d’établissements disparates. Et qu’il lui faut une politique de l’enseignement supérieur ambitieuse, et donc des moyens adéquats.