Chacun à leur manière, le Front national et Sciences Po suscitent des commentaires passionnés. Et quand l’un et l’autre viennent à se confronter, la réaction est (presque) toujours explosive. La venue du vice-président du FN, Florian Philippot, à l’occasion d’un « grand oral » organisé dans l’école de la rue Saint-Guillaume, mardi 22 novembre, en a été une nouvelle illustration. Annoncée lundi, elle a finalement été annulée pour cause de manifestation.

Le bras droit de Marine Le Pen avait été sollicité il y a trois semaines par Benjamin Duhamel, étudiant en master et responsable de la webtélé Sciences Po TV. Des grands oraux ont été organisés ces derniers mois avec des personnalités telles que Nathalie Kosciusko-Morizet (Les Républicains), Bruno Le Maire (LR), Michel Sapin (Parti socialiste) ou Benoît Hamon (PS). La rencontre prévue avec M. Philippot devait durer deux heures, et être ponctuée par un débat avec Matthias Fekl, secrétaire d’Etat chargé du commerce extérieur.

Plusieurs syndicats étudiants et lycéens – l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), la Fidl, Solidaires – s’y sont opposés. Les deux premiers occupaient le parvis de l’école pour tracter et chanter des slogans contre le Front national, tandis que le troisième organisait un sit-in devant l’amphithéâtre censé accueillir la rencontre.

« Le FN reste le FN, malgré les discours des technocrates comme Florian Philippot. C’est un parti raciste, antisémite, qui reste d’extrême droite, justifie Sacha Ghozlan, président de l’UEJF. Cette école n’a pas à le recevoir, ça marque une nouvelle étape de dédiabolisation. » Le lancement d’une association FN au sein de l’école, en 2015, avait déjà suscité la polémique.

« Vous servez les idées de ceux que vous croyez combattre »

Une poignée d’élus et de militants du Front national, pour la plupart proches de Florian Philippot, s’est présentée rue Saint-Guillaume, peu avant 19 heures. De quoi permettre des échanges de haute volée. « Nous, on a 30 % des Français avec nous. Vous, vous n’êtes personne », lance une frontiste. « Elle est juive », ajoute un de ses amis pour tenter de la défendre des accusations d’antisémitisme. « Et alors, la haine de soi ça existe », lui répond un membre de l’UEJF. « Répète pour voir ! », s’emporte la jeune femme. La querelle s’est achevée en chanson – l’internationale, côté frontiste, et la Marseillaise, des deux côtés.

Face à la cohue, et malgré la présence nombreuse de forces de l’ordre, la conférence a été purement et simplement annulée. « Vous servez les idées de ceux que vous croyez combattre », s’est agacé Benjamin Duhamel, l’organisateur, auprès des militants anti-Front national. Sur Twitter, Florian Philippot – qui n’est pas apparu – a dénoncé « des excités » et « des fascistes », et estimé que « la direction de l’école a une nouvelle fois failli ».

L’histoire bégaie, en tout cas, entre le FN et Sciences Po. En 1988, déjà, la venue de Bruno Mégret, à l’époque directeur de la campagne présidentielle de Jean-Marie Le Pen, avait suscité un tollé – et un sit-in. L’homme avait néanmoins pu s’exprimer, sous les cris de « pas de fachos à Sciences Po ».