Le marché des voitures de transport avec chauffeur (VTC) n’est qu’à l’aube de son développement. Alors que cette activité était totalement négligeable en 2013, elle pourrait peser entre 1,5 milliard d’euros et 3,9 milliards d’euros en 2022, contre 800 millions d’euros cette année. Et employer entre 40 000 et 80 000 personnes de plus qu’aujourd’hui, soit entre 60 000 et 100 000 chauffeurs qui travailleraient en France pour ces plates-formes.

Ces chiffres sont ceux de la société de conseil Boston Consulting Group (BCG), qui a publié, mercredi 23 novembre, une nouvelle étude sur l’essor du secteur du transport à la personne, en collaboration avec Uber, le leader des plates-formes de VTC en France.

Ce n’est pas la première étude, ni la dernière, sur ce marché en plein développement, mais elle paraît au moment où le Parlement entre dans la dernière ligne droite pour finaliser la nouvelle loi sur le secteur du transport public de personnes.

Est-ce pour influencer le débat en faveur des VTC ? Non, assurent les deux auteurs associés du BCG, Sylvain Duranton et Joël Hazan. Reste qu’elle donne un éclairage plus favorable aux plates-formes VTC que celle publiée cet été par le cabinet Facta, financée par plusieurs fédérations de taxis… Cette dernière assurait que le secteur du transport à la personne était, ces dernières années, resté relativement stable à Paris, et que les VTC avaient, en fait, « cannibalisé » essentiellement les taxis… En résumé, la croissance du marché était en trompe-l’œil.

« Depuis 2000, la croissance du marché de la mobilité est de 4 % par an. Et, depuis 2013, quand l’offre de VTC a augmenté, celle-ci est passée à environ 10 % en Ile-de-France. Il y a donc eu une véritable croissance globale du marché, indique Sylvain Duranton. Il est, en revanche, vrai qu’il y a eu un effet de substitution partielle entre taxis et VTC. »

« Nouveaux clients »

Alors que l’activité des VTC a progressé de 270 % par an ces trois dernières années, celle des taxis a, elle, baissé de 5,3 % par an. Le marché des VTC en France représente, cette année, quelque 800 millions d’euros dans le pays (dont 90 % dans la seule Ile-de-France), quand celui des taxis atteint toujours 3,4 milliards d’euros, soit quatre cinquièmes de l’activité.

Preuve, néanmoins, de la décélération du marché des taxis, la baisse des prix des licences à Paris. « Le prix est revenu à un niveau proche de 2008, soit environ 35 % de plus qu’en 2000 et 35 % de moins qu’en 2013 », rappelle Joël Hazan. En 2022, si les estimations du BCG sont justes, les taxis seraient, en revanche, dominés par les VTC, sur un marché cependant bien plus large.

« Ce que l’on constate, c’est que l’essor des VTC a, en fait, permis d’élargir le marché, poursuit le consultant. En Ile-de-France, on remarque, par exemple, que certains territoires (grande banlieue) ou certaines plages horaires (la nuit) mal desservis par les transports en commun et les taxis ont été conquis par les VTC. Ces derniers ont donc permis à de nouveaux clients d’utiliser ces services. »

Du côté de l’emploi, alors que l’on compte quelque 40 000 chauffeurs de taxis en France, le secteur des VTC a créé 22 000 emplois sur tout le territoire, selon le BCG. « La moitié de ces personnes étaient sans emploi avant de devenir des chauffeurs privés. Et un quartd’entre elles auraient subi des discriminations à l’embauche lors de leur parcours professionnel antérieur », indique M. Duranton.

« Revenu moyen entre 1 400 et 1 600 euros nets »

« Le revenu moyen oscille entre 1 400 et 1 600 euros nets pour des travailleurs indépendants. Cela peut paraître peu, commente Joël Hazan, mais c’est mieux, par exemple, que les personnes qui travaillent dans les services à la personne, rémunérées, en moyenne, 1 300 euros par mois. »

Alors que l’activité des VTC a progressé de 270 % par an ces trois dernières années, celle des taxis a baissé de 5,3 % par an

Sur ces 22 000 chauffeurs, les deux tiers relèvent de la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI). Ils sont employés par des entreprises, mais ne pourront plus, à l’avenir, se revendiquer de ce statut. Et ils devront tous être titulaires d’un examen de chauffeur VTC, comme la future loi le préconise. Si les patrons de plates-formes de VTC et les entreprises LOTI sont inquiets de la loi, le BCG estime que celle-ci ne peut aujourd’hui bloquer le développement du secteur.

« Tout l’enjeu de la loi est de définir la vitesse de croissance du secteur du transport des personnes, car la demande est, et sera, là, estime Sylvain Duranton. Il faudra voir à quelle vitesse elle peut, par exemple, homogénéiser les statuts des chauffeurs de taxis et de VTC. Si cela se produit rapidement, le marché croîtra rapidement. Si tel n’est pas le cas, le marché peut se développer beaucoup plus lentement. »