Ray Allen, ex-joueur de la NBA, deux jours avant l'ouverture au public de la boutique Jordan Bastille, le 22 novembre, à Paris. | AGNES DHERBEYS /MYOP POUR LE MONDE

Il suffit de baisser les yeux. Un lundi matin dans le métro parisien, six lycéens sur dix portent des baskets Jordan. La moitié d’entre eux n’a certainement jamais vu jouer le mythique champion de la NBA ailleurs que dans la vidéo des dix meilleurs « dunks » de l’histoire du basket-ball sur YouTube. Mais sa silhouette « volante », jambes écartées et ballon dans la main tendue vers le panier, qui orne les modèles développés par Nike depuis 1987, continue d’attirer les consommateurs : jeunes, vieux, hommes, femmes.

De l’Amérique du Nord à la Chine en passant par l’Europe de l’Ouest, Jordan Brand est un facteur de croissance non négligeable pour le groupe Nike, avec un chiffre d’affaires en augmentation de 18 %, à 2,75 milliards de dollars (2,58 milliards d’euros), sur l’exercice 2016. Pour asseoir encore son image et sa présence, la marque ouvre depuis peu des magasins en nom propre, en partenariat avec Foot Locker pour l’Amérique et l’Europe.

Après Chicago il y a un an, Hongkong il y a six mois, et Toronto, sur le point de transformer une boutique éphémère en magasin permanent, Jordan a jeté son dévolu sur Paris pour ouvrir sa première boutique en Europe.

Transgressif, drôle, innovant

Mardi 22 novembre, deux jours avant l’ouverture officielle au public, une visite en avant-première des 290 m2 de Jordan Bastille, dans le 12arrondissement, était organisée en présence de quelques influenceurs européens, distributeurs fidèles et de deux athlètes, le basketteur des Heat de Miami, Ray Allen, et le boxeur Gennady Golovkin. Michael Jordan était excusé car retenu aux Etats-Unis pour recevoir un prix, le « Freedom Award », des mains du président Barack Obama. Comme s’il en fallait encore pour ajouter à la légende de celui qui, bien avant tout le monde, a fait exister les baskets sur et hors des terrains.

L’histoire est bien connue des amateurs mais reste savoureuse : en 1985, Jordan porte des Nike Air Ship aux couleurs non homologuées (noir et rouge alors que seul le blanc est autorisé). Nike, qui sponsorise le jeune joueur, reçoit des courriers de la NBA lui infligeant 5 000 dollars d’amende à chaque fois que Jordan foulera le terrain avec ses baskets non conformes. Nike paye et en rajoute avec une publicité qui dit en substance : « Heureusement, la NBA ne peut pas vous interdire de les porter. » Transgressif, drôle, innovant, l’épisode ouvre à Jordan et Nike la voie du succès, aussi bien sportif que mode.

« Et Paris est la capitale de la mode. Le choix d’y implanter notre premier magasin européen était logique pour nous, rebondit Larry Miller, président de Jordan Brand, présent mardi soir au 12, rue du faubourg Saint-Antoine. L’histoire qui nous lie à cette ville est longue. Michael Jordan y est venu dès 1985 pour lancer sa première basket signature, et était encore là l’an dernier pour l’événement au Palais de Tokyo autour des trente ans de la Air Jordan. La culture du basket-ball est forte et unique en France. » L’Hexagone est en effet, pour la NBA, l’un des plus gros pourvoyeurs de joueurs après les Etats-Unis, et ce depuis 1960.

Innovation technique doublée d’un culte du rétro

En France, le marché des chaussures de sport est florissant, « en hausse de 8 % sur un an à 2,87 milliards d’euros, fin septembre 2016. Cela représente 67 millions de paires vendues », ajoute David Richard, directeur sport France pour la société d’études NPD. « Sur ces 219 millions d’euros de croissance, les trois quarts proviennent du loisir, c’est-à-dire de la mode. C’est la grande force de la marque Jordan qui a su très tôt jouer sur les deux tableaux : l’innovation technique doublée d’un culte du rétro alimenté par des rééditions permanentes en séries limitées. »

Pour satisfaire ses fans, sportifs ou pas, Jordan Bastille propose dès l’entrée un mur consacré au training et à la performance, accolé à une petite salle de sport où tester les chaussures, mais aussi des produits développés pour les vingt ans du film Space Jam, un atelier pour personnaliser toute nouvelle paire achetée, un espace enfants, un autre avec les rééditions et les collaborations, un écran tactile racontant l’histoire de chaque modèle…

« Le basket-ball est notre socle, sur lequel nous avons réussi à construire un business plus large », poursuit M. Miller, qui explique que Michael Jordan reste très impliqué dans la marque mais que celle-ci a bien changé depuis son arrivée chez Nike en 1997. « Jordan était alors un champion inégalé et deux logos sur des baskets (…). Aujourd’hui, c’est une marque de sport et une culture à lui seul. »