A la différence d’Alain Juppé, François Fillon est favorable à un rapprochement avec la Russie de Vladimir Poutine, qu’il a connu du temps où tous deux étaient premiers ministres et qu’il a rencontré depuis à de nombreuses reprises. A son programme, la levée des sanctions économiques du pays consécutives à l’annexion de la Crimée et la coopération sur la question syrienne.

L’historienne Françoise Thom proteste contre la complaisance de François Fillon : « Nos souverainistes, si sourcilleux de notre indépendance quand il s’agit des États-Unis, s’alignent sans états d’âme sur les positions du Kremlin, même les plus scandaleuses, comme on l’a vu à droite et à gauche au moment de la guerre hybride contre l’Ukraine », écrit-elle. Pour elle, « la patiente stratégie de prise de contrôle des élites et des opinions étrangères par le Kremlin lancée depuis l’arrivée aux commandes en 2000 de l’équipe du KGB autour de Poutine commence à porter ses fruits ».

Pour le politologue Cyrille Bret, la russophilie de François Fillon – « farouchement gaullien » « lui confère l’image d’un homme fort, par contagion d’images entre lui et Vladimir Poutine ». Elle « opère une habile synthèse entre plusieurs courants bonapartistes, catholiques et conservateurs français ». Mais le revirement diplomatique annoncé risque de se heurter au principe de réalité : « l’atlantisme qui tient lieu de politique de défense européenne », « la solidarité européenne », la question de l’annexion de la Crimée…

Philippe de Lara, maître de conférences en sciences politiques à l’université Panthéon-Assas, critique la stratégie de François Fillon, « forme distinguée de celle, vulgaire et sans scrupule, de Donald Trump : rassembler sur sa personne une majorité de mécontent indépendamment de son programme » ; mais toute de dissimulation : « Les déclarations d’amitié et d’admiration pour Vladimir Poutine, le discours paléo-chevènementiste sur l’alliance naturelle avec la Russie contre les méchants Américains et les égoïstes Allemands, l’appel à la levée des sanctions contre la Russie, la reconnaissance de l’annexion de la Crimée, l’alignement sur la Russie en Syrie, tout cela est distillé avec discrétion », explique-t-il.

S’il évoque, comme Cyrille Bret, la menace de rupture avec l’alliance atlantique du programme Fillon, c’est pour mieux agiter le spectre d’une vassalisation à laquelle conduirait le tropisme pro-Poutine commun à une bonne partie de la droite.

A lire sur le sujet :

« La France est travaillée en profondeur par la propagande du Kremlin depuis des années », par Françoise Thom (historienne, maître de conférences à l’université Paris-Sorbonne). La vassalisation de l’Europe est en cours, d’après la spécialiste de la Russie. Une entreprise menée de longue date depuis Moscou et qui commence à porter ses fruits scrutins après scrutins.

« François Fillon synthétise plusieurs traditions diplomatiques de la droite française », par Cyrille Bret (maître de conférences à Science Po). Pour le politiste, les positions du candidat de la primaire de la droite vis-à-vis des chrétiens d’Orient et de la Russie s’inscrivent dans une ligne qui n’est iconoclaste qu’en apparence.

« La droite est travaillée par un tropisme pro-Poutine », par Philippe de Lara (maître de conférences en sciences politiques, université Panthéon-Assas). La discrétion et les rétropédalages de François Fillon sur le soutien à la Russie ne doivent pas masquer que sa politique cache une véritable rupture avec celle de l’Union européenne et de l’Alliance atlantique, selon le politologue.

A lire aussi :

Poutine et Fillon, une amitié géopolitique, par Benoît Vitkine. Le député de Paris, proche du président russe, demande la levée des sanctions européennes contre Moscou.

A Moscou, le succès de François Fillon à la primaire salué comme un « événement sensationnel », par Isabelle Mandraud (Moscou, correspondante). L’ancien premier ministre français a toujours prôné une position conciliante envers la Russie de Vladimir Poutine, en particulier sur les sujets conflictuels comme l’Ukraine et la Syrie.