Ville de La Paz, en Bolivie, le 14 novembre 2016. , | © David Mercado / Reuters

Chaque jour, sans en avoir conscience, la moitié de la population mondiale pose le pied sur l’un des puzzles les plus fascinants que l’humanité ait construits : la ville. Et bien qu’elle nous soit familière, nous sommes loin d’en connaître toutes les pièces et la façon dont elles s’emboîtent.

Cette ignorance se manifeste dans notre incapacité à construire des villes en partant de rien, ou dans les conséquences catastrophiques de certains projets d’urbanisme. En l’absence d’une connaissance fiable, les politiques d’aménagement ne peuvent en effet que se fonder sur des intuitions, des critères simplistes, voire idéologiques.

Mais ceci est en train de changer. Grâce à la numérisation des données traditionnelles (enquêtes statistiques, cartes, images satellites, etc.), et aux traces numériques laissées par chaque individu, la quantité de données disponibles sur les villes augmente à une vitesse inouïe. C’est sur cette masse de données que s’appuie une nouvelle science – multidisciplinaire – des villes.

La physique, elle, est souvent admirée pour la beauté de ses édifices théoriques. Mais elle est avant tout une science expérimentale. Ce n’est donc pas complètement par hasard que la physique – ou plutôt devrais-je dire ma formation de physicien – et la ville se croisent dans mon travail de thèse.

Ce travail n’est pas une monographie, mais plutôt une collection de sujets glanés au fil de ces trois années. Je me suis d’abord intéressé à la congestion dans les villes ; j’ai montré que les villes s’adaptent naturellement à la congestion en décentralisant les activités. Cette évolution n’est malheureusement pas suffisante : lorsque l’on multiplie la taille d’une ville par deux, le temps perdu dans les embouteillages par individu augmente de 30 %.

J’ai ensuite proposé un algorithme qui permet de mesurer à quel point les réseaux de rues de deux villes sont différents. En l’appliquant à 138 villes dans le monde, j’ai identifié quatre groupes de villes similaires entre elles et différentes des autres !

Enfin, je me suis plongé dans le monde fascinant de la ségrégation résidentielle, et des façons de la mesurer. Malheureusement pas en France… où les données n’existent pas !

En comprenant les phénomènes naturels, l’humanité en a acquis une maîtrise suffisante pour les utiliser à son avantage. Sans la science, nous n’aurions ni avion, ni ordinateur, téléphone ou vaccin. Je vous invite à imaginer, la prochaine fois que vous arpenterez les rues d’une ville, ce qui pourrait changer si nous les comprenions un peu mieux. Imaginez à quoi le monde ressemblerait si nous pouvions transformer les bonnes intentions en politiques efficaces.

Rémi Louf

« Théories urbaines. Une approche par la physique statistique » : thèse soutenue le 20 octobre 2015. Directeur de recherche : Marc Barthélémy. Physique. Université Pierre-et-Marie-Curie - Paris-VI