Insitut de recherche sur le cancer, à Sutton, en Angleterre, en 2013. | © Stefan Wermuth / Reuters / REUTERS

Le cancer est aujourd’hui un problème de santé publique crucial et touche de plus en plus d’individus : on estime en effet qu’un homme sur deux et une femme sur trois se verra diagnostiquer un cancer avant 85 ans ! Mais c’est également une maladie de mieux en mieux traitée : en France, environ 3 millions de personnes vivent en rémission d’un cancer.

Des traitements efficaces existent donc. Cependant, ils sont très généraux et souvent associés à des effets secondaires notables sur les organes sains, qui se traduisent par de nombreux symptômes pouvant conduire jusqu’à l’arrêt des traitements. Les doses de chimiothérapie utilisées pour traiter les patients sont en outre très proches des doses létales. Face à ces différents constats, mon projet de thèse s’est inscrit dans la volonté de proposer une nouvelle opportunité thérapeutique aux patients souffrant de cancers.

Pour améliorer le traitement et la qualité de vie des patients, des techniques dites de « délivrance » ou de « vectorisation » ont été mises au point (encapsulation des produits de chimiothérapie) afin de transporter et de délivrer les molécules thérapeutiques sélectivement dans les zones tumorales, et ainsi éviter de toucher les organes sains. Elles ont néanmoins certaines limites, en particulier liées au risque de fuite du produit anticancéreux hors des capsules, et donc de toxicité hors de ces zones tumorales.

Au cours de ma thèse, nous avons ainsi proposé de fabriquer le produit anticancéreux directement et exclusivement dans la tumeur à partir de produits peu ou non toxiques, délivrés de manière contrôlée, plutôt que d’encapsuler et de libérer dans les zones tumorales ce produit anticancéreux, en général hautement toxique.

De manière imagée, il s’agit ainsi d’enfermer une brique peu ou non toxique d’un produit de chimiothérapie dans de minuscules « véhicules » que l’on va injecter dans la circulation sanguine. Ces véhicules vont pouvoir être ouverts à distance et de manière non invasive, grâce à un simple appareil d’échographie clinique que l’on trouve dans tous les hôpitaux, avec une précision spatiale de l’ordre du millimètre dans les tissus. La libération localisée du produit encapsulé va alors permettre sa rencontre avec un partenaire réactionnel (une autre brique) présent dans la zone de libération, leur réaction chimique (l’assemblage des briques), et ainsi la genèse locale du produit thérapeutique. Au cours de ma thèse, nous avons produit de tels véhicules sous forme de microgouttelettes, et montré sur des cultures de cellules cancéreuses que nous pouvions par cette méthode recréer un produit anticancéreux actif.

Marine Bégazu

« Réactions chimiques et mélanges locaux induits par ultrasons : vers une chimiothérapie ciblée » : thèse soutenue le 9 octobre 2015. Directeurs de recherche : Janine Cossy et Patrick Tabeling. Chimie moléculaire et microfluidique. Université Pierre-et-Marie-Curie-Paris VI.