Série sur France 2 à 20 h 55

Chefs. Le making of du tournage
Durée : 06:35

La cuisine et la caméra ont entretenu de fréquents rapports. On pourrait rappeler quelques exemples cinématographiques fameux et déjà anciens, comme le scandaleux et génial La Grande Bouffe (1973), de Marco Ferreri, le délicat et sensuel Festin de Babette (1987), de Gabriel Axel, ou le nettement moins subtil Vatel (2000), de Roland Joffé. Récemment, ce sont divers longs-métrages qui se sont succédé sur grand écran : Julie et Julia (2009), de Nora Ephron, Les Saveurs du palais (2012), de Christian Vincent, Chef (2014), de Jon Favreau, ou (l’assez consternant) Les Recettes du bonheur (2014), de Lasse Hallström.

Il allait de soi que la télévision et l’univers des séries devaient se saisir de ce sujet avant qu’il ne refroidisse. Ce qui fut fait par France 2, avec Chefs, dont la chaîne de service public diffusa en 2015 – avec un bon succès d’audience (17 % de part de marché) – les six épisodes de la première saison. Le propos s’est voulu sérieux : les auteurs, Arnaud Malherbe (également réalisateur) et Marion Festraëts, ont observé in situ ce qui se passe dans l’univers plutôt agité et rude des cuisines des grands restaurants. Et se sont fait conseiller par un chef de la garde montante, le jeune David Toutain, afin que les plats passant sous l’œil de la caméra aient l’air crédibles.

Clovis Cornillac | Christophe_Charzat / © Christophe CHARZAT / FTV / CALT

Ils le sont, dans leurs assiettes de 8 mètres carrés, où une asperge – une seule – se bat en duel avec un trait de sauce réduite et deux fleurs, où un minuscule morceau de poisson ne donnera pas la moindre indigestion au convive – à moins d’être à dessein rendu vénéneux. Car, pour pimenter l’action en ces cuisines, qui menacerait, au long des huit épisodes de la deuxième saison de Chefs, de plonger dans un ennui camomillé, les auteurs ont continué d’imaginer des intrigues annexes, redistribuant les cartes des pouvoirs et des désirs et permettant de sortir de l’univers confiné des passe-plats et autres salamandres.

On y verra ou reverra des méchants – comme le personnage de grand manitou joué un peu caricaturalement par Robin Renucci – et des méchantes – un trio de gorgones hôtelières assez piquant –, on entrera dans le cercle d’un club ultra-sélect qui tient session quasi maçonnique au sous-sol de chez Dehillerin – un magasin d’ustensiles parisien, bien connu des cuisiniers professionnels –, voire dans un tripot où des épreuves gustatives publiques et risquées mènent droit aux urgences hospitalières les audacieux perdants.

Outrances et invraisemblances

Si le geste des cuisiniers a été bien surveillé, l’ensemble du récit n’est qu’outrances et invraisemblances qui font sourire ou ricaner : le chef étoilé adepte des mets d’avant-garde qui se ressource dans le chou farci ; la jeune fille anorexique qui reprend goût à l’alimentation en une seule bouchée salvatrice ; le bon vieux bistrotier généreux cerné par les entrepreneurs sans foi ni loi ; le jeune cuistot qui apprend la gastronomie du jour au lendemain alors qu’il n’a travaillé que dans un vilain self-service, etc.

Les acteurs principaux, Clovis Cornillac (qui réalise ou coréalise cette saison) et Hugo Becker, sont bons, dans le genre taiseux-rocailleux, mais on s’ennuie ferme face à une série lénifiante (qui semble ignorer le coup de feu), aux ressorts trop prévisibles. Dégraissée et resserrée, elle aurait fait un acceptable téléfilm, ce qui aurait largement rassasié.

Chefs, série créée par Arnaud Malherbe et Marion Festraëts. Avec Clovis Cornillac, Hugo Becker, Anne Charrier (Fr., 2016, saison 2, 8 x 52 min).