Après le discours de Nicolas Sarkozy, au siège de sa campagne, le 20 novembre. | ERIC FEFERBERG / AFP

Sarkozy 118 voix, Fillon 99. Le soir du dimanche 20 novembre, Gérald Vaneecke est sorti de son bureau de vote de Lens (Pas-de-Calais) en « vainqueur ». « On est sortis à 21 h 30, on était contents. On est partis gagnants. Arrivés à la maison, on a allumé BFM-TV et ça a été le choc. Après, il y a eu le discours de Nicolas. Et les larmes. »

Sur le coup, Gérald Vaneecke, délégué de canton Les Républicains (LR) de la troisième circonscription du Pas-de-Calais et commercial dans une PME familiale, était prêt à « tout arrêter ». Pas simplement l’organisation de la primaire de la droite dans son bureau, mais aussi ses dix ans de militantisme au service de Nicolas Sarkozy. Puis, sa femme lui a dit : « Tu ne peux pas, t’aimes trop ». « Et c’est vrai, j’aime trop la politique », avoue-t-il.

Dans le bassin minier, de Liévin à Hénin-Beaumont en passant par Lens, l’ancien chef de l’Etat a réalisé parmi ses meilleurs scores du premier tour de la primaire de la droite, dimanche 20 novembre. Dans plusieurs bureaux de votes de la troisième et de la onzième circonscription, il a même devancé François Fillon, arrivé largement en tête au plan national devant Alain Juppé. Avec 20,7 % des voix, Nicolas Sarkozy ne s’est pas qualifié pour le second tour de la primaire.

Coup de foudre

La relation entre Nicolas Sarkozy et ses électeurs du bassin minier s’apparente à une histoire d’amour. Voire à un coup de foudre, comme pour Alexandrine Pintus, candidate LR aux législatives de 2017 dans la onzième circonscription. A 25 ans, elle dit avoir « toujours été sarkozyste ». « Il a su capter mon attention, j’ai été impressionnée par sa prestance. J’ai pris ma carte dès que j’en ai eu l’âge », raconte-t-elle.

En 2007, Nesrédine Ramdani, cadre du parti et conseiller régional des Hauts-de-France, s’est lui aussi engagé auprès de Nicolas Sarkozy. Mais en 2012, ce quinquagénaire qui laboure les terres politiques du Pas-de-Calais depuis plus de dix ans n’a pas voulu suivre le président sortant dans son virage identitaire. Pour la primaire, il soutient Alain Juppé. Ce qui « fascine » les militants de Nicolas Sarkozy, « c’est son charisme », juge-t-il. « Le fort vivier sarkozyste, ici, a dix ans d’existence. Il est resté le favori des gens qui avaient voté pour lui en 2007 », résume ce professeur d’histoire.

C’est le cas de Jonathan Madau, 28 ans, délégué de la troisième circonscription. Chauffeur de bus, il a été convaincu par Nicolas Sarkozy dès son « travailler plus pour gagner plus ». Il était « le seul candidat de la primaire qui nous aurait permis d’augmenter notre pouvoir d’achat », regrette-t-il.

La droite des travailleurs

Pour convaincre sur le terrain lors de la campagne, Jonathan Madau, Gérald Vaneecke et Alexandrine Pintus disent avoir mis en avant des arguments qui parlent « aux travailleurs ». « J’ai rencontré beaucoup de salariés de la Française de Mécanique [usine PSA au nord de Lens], de chez Renault [usine de Douai], qui votent Sarkozy parce que son discours franc et direct plaît », affirme M. Vaneecke.

Face aux « classes moyennes », Mme Pintus, salariée en gestion de location immobilière, a insisté sur le retour aux heures supplémentaires défiscalisées promis par le candidat Sarkozy (elles ont été supprimées par le président Hollande). « Les salariés étaient heureux d’en avoir. Ça a aidé les ouvriers », abonde Gérald Vaneecke. M. Madau, lui, a relayé la promesse d’une baisse d’impôts immédiate.

S’ils ont su mobiliser un vote sarkozyste local, comment expliquer la défaite au plan national ? Les militants estiment être partis en campagne avec un handicap. « C’est le personnage qui a été rejeté, l’image qu’on donnait de lui, et non son programme, assure M. Madau. Il y avait tellement d’antisarkozysme qu’on devait se battre contre l’antisarkozysme plutôt que pour Nicolas Sarkozy. »

De fait, dans les urnes, son candidat n’a fait « que 20 %, mais d’adhésion ? poursuit-il. Personne n’a voté Sarkozy pour contrer un autre candidat. Contrairement à Alain Juppé – que je respecte – qui a fait 24 %, mais avec combien de voix d’antisarkozystes ? » « Il n’y a plus de sentiments entre les Français et Nicolas Sarkozy, complète Nesrédine Ramdani. Le peuple lui avait déjà dit non une fois. »

Le vote Fillon

Lors du second tour de la primaire, comme Nicolas Sarkozy, les trois militants mettront dans l’urne un bulletin François Fillon. D’ici là, ils vont battre la campagne pour le favori du second tour. « Moi j’écoute le patron », explique simplement Gérald Vaneecke. Alexandrine Pintus, elle, a pris le temps de réfléchir à son vote. « Je me suis basée sur le choix de ma circonscription. Ils ont choisi Nicolas Sarkozy et François Fillon, je soutiendrai François Fillon. » Jonathan Madau a également choisi M. Fillon, surtout parce que « son programme n’est pas si différent de celui de Nicolas Sarkozy ».

Dans les rues de Lens, les électeurs sarkozystes ne sont pas aussi certains que les militants de voter pour François Fillon au second tour. « Je crois que je vais voter Juppé. Mais j’attends quand même le débat [de jeudi], je vais suivre cela de très près et étudier les programmes », prévoit Bernard, retraité de l’agroalimentaire qui est revenu du Front national parce qu’il juge que « Marine Le Pen n’a pas de programme ». « J’ai voté Sarkozy à la primaire en ayant l’espoir qu’il soit face à elle au deuxième tour. C’était le seul qui pouvait la battre, je suis très déçu », explique-t-il.

La mobilisation continue

Après l’élimination de Nicolas Sarkozy, ses partisans ne se font pas d’illusion sur son avenir en politique. « Ce n’est pas possible qu’il revienne, estime M. Madau. Il a été mis KO et tous les sarkozystes ont reçu un bon crochet. Mais ils vont se relever. »

Aujourd’hui, les militants entendent continuer à « porter la voix du sarkozysme », comme l’ancien président l’a demandé lors de son discours de défaite. Dès dimanche soir, Jonathan Madau a décidé qu’il voulait créer une association des sarkozystes au sein du parti. « D’abord dans le bassin minier, puis dans le Pas-de-Calais, et après, si ça marche, au niveau national », détaille-t-il. Mais cela attendra la fin de la présidentielle. Dans dix à quinze ans, « on parlera du sarkozysme avec autant de passion qu’aujourd’hui on parle du gaullisme », prédit-il.

Mercredi soir, une réunion se tenait à Boulogne pour remobiliser les troupes et finir de préparer les bureaux de vote pour le second tour. Jeudi soir, les sarkozystes iront regarder le débat aux côtés des fillonistes, à Arras. « J’attends quelque chose de digne, prévient Jonathan Madau, en évoquant les récentes attaques entre MM. Juppé et Fillon. Parce que si ça continue sur cette lignée, nous donnons la France à Marine Le Pen. Nicolas Sarkozy avait réussi à resserrer les rangs. Vous voyez, au bout de deux jours, il manque déjà. Le parti est orphelin. Il a perdu son père. »