Donald Trump, le 20 novembre 2016 à Bedminster, New Jersey. | DON EMMERT / AFP

« Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent », disait Henri Queuille, président du Conseil sous la IVe République. Il se pourrait que l’adage s’applique aussi à Donald Trump. Depuis son élection, le 8 novembre, le président élu est revenu sur plusieurs de ses propositions polémiques.

Que reste-t-il de sa volonté de remettre en cause l’« Obamacare », d’expulser des millions de migrants illégaux, de construire un mur de séparation avec le Mexique, de revoir son engagement dans l’OTAN ou l’accord avec l’Iran ? Une semaine après son élection, Trump avait déjà commencé à faire marche arrière sur des dossiers-clés.

Mardi 22 novembre, il a continué à détricoter une partie de son programme lors d’une rencontre avec l’équipe du New York Times, pour la deuxième grande interview depuis son élection. Comme à son habitude, il a continué à souffler le chaud et le froid.

  • Quelle position vis-à-vis de l’« alt-right » ?

Face aux journalistes, le président élu a condamné la conférence de l’« alt-right », l’extrême droite proche des courants nationalistes, néonazis et suprémacistes blancs, organisée samedi à Washington, où des participants ont scandé « Heil Trump » et fait le salut nazi.

« Je les condamne, je ne m’associe pas (à cela). Ce n’est pas un groupe que je tiens à galvaniser. Et s’ils sont galvanisés, je veux y regarder de plus près et comprendre pourquoi ils sont galvanisés. »

Pourtant, Donald Trump a tenu à apporter son soutien à son stratège en chef, Stephen Bannon, l’ancien patron de l’ultraconservateur site d’information Breitbart News qui n’a jamais caché ses liens avec l’« alt-right ».

« Je connais Steve Bannon depuis longtemps. Si je pensais qu’il était raciste, ou proche d’alt-right, je n’aurais même pas pensé une seconde à l’engager. »
  • Fin des poursuites contre Hillary Clinton ?

Lors de cet entretien, le futur président a voulu apparaître magnanime. Il a laissé entendre qu’il ne poursuivrait pas son ancienne rivale démocrate Hillary Clinton dans l’affaire de son serveur privé ou de la fondation de son mari quand elle dirigeait la diplomatie, contrairement à ce qu’il martelait pendant des mois, qualifiant son adversaire de « Crooked Hillary », « Hillary la corrompue ».

« Je ne veux pas nuire aux Clinton, vraiment pas. Cela a été dur pour elle (Hillary), elle a beaucoup souffert, par bien des côtés. Je n’envisage pas de revenir là-dessus. Cela diviserait vraiment beaucoup le pays ».

Sa promesse de campagne d’emprisonner son adversaire a donné naissance à l’un des slogans les plus repris dans ses meetings : « Lock her up ! » (« Enfermez-la ! »), aussi décliné sous forme de t-shirts.

Donald Trump à Hillary Clinton : « Vous seriez en prison »
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Mais Trump semble ainsi oublier le principe de séparation des pouvoirs. Rien n’indique que les propos du président élu modifient les intentions de Jason Chaffetz, le Républicain qui dirige la commission de la Chambre des représentants (le House Oversight and Government Reform Committee). Celui-ci a promis, au lendemain de l’élection de Donald Trump, de poursuivre l’enquête sur le serveur de messagerie privée de Hillary Clinton.

  • Incertitudes concernant le changement climatique et la COP21

En 2012, le candidat avait qualifié le changement climatique de « canular » inventé par les Chinois bien que le phénomène soit désormais avéré scientifiquement.

Mardi, il a semblé avoir évolué dans son discours :

« Je pense qu’il y a un lien (entre l’activité humaine et le changement climatique), il y a quelque chose, mais tout dépend dans quelle mesure. »

Mais fidèle à ses revirements, il a aussi précisé qu’il était préoccupé par le coût et les effets de mesures environnementales sur la compétitivité américaine.

Au sujet de l’accord de Paris sur le climat conclu fin 2015 par 195 pays et qu’il a promis d’annuler une fois élu, il s’est montré tout aussi fluctuant :

« Je regarde ça de très près. Je reste ouvert sur cette question. »

Malgré tout, la veille, lundi, il a réitéré sa promesse d’annuler les restrictions sur le charbon, le gaz et le pétrole de schiste. La position des Etats-Unis, qui sont le deuxième plus gros pollueur de la planète, est cruciale pour que l’accord puisse porter ses fruits et les appels se sont multipliés lors de la COP22 qui vient de s’achever à Marrakech pour que les Etats-Unis respectent leurs engagements.

  • Revirement sur l’usage de la torture

A propos de la torture, Donald Trump a encore changé d’avis sur son usage. Après la tuerie de San Bernadino, en décembre 2015, il avait promis de la rétablir pour lutter contre le terrorisme. Il avait aussi menacé de tuer les familles des terroristes pour dissuader les candidats au djihad.

Mais M. Trump, qui consulte toujours pour constituer son administration, s’est dit « très impressionné » par sa rencontre avec l’ancien général James Mattis. Cet ancien officier supérieur des marines, ancien patron du CentCom (forces américaines au Moyen-Orient entre 2010 et 2013) a expliqué qu’« un paquet de cigarettes et deux bières » suffiraient à faire parler les suspects plutôt que la torture – comme la simulation de noyade, par exemple. Désormais, Donald Trump envisage « très sérieusement » de le nommer à la tête du Pentagone.

  • Conflit d’intérêts, quel conflit d’intérêts ?

Lors du débat des primaires républicaines à Charleston (Caroline-du-Sud), en janvier, Donald Trump avait indiqué que s’il était élu, il déléguerait la conduite de son empire à ses enfants.

Mardi, il a éludé le problème, assurant que sa présidence ne serait pas émaillée de conflits d’intérêts, tout en restant évasif sur les mesures concrètes qu’il entendait mettre en place. Il a affirmé ne constater aucun conflit d’intérêts entre la gestion de ses entreprises et l’exercice de sa fonction de président.

« En théorie, je dois pouvoir gérer mes affaires parfaitement et gérer le pays parfaitement. Il n’y a jamais eu de cas semblable. La loi est de mon côté, il n’y a pas de conflit d’intérêt pour le président. »
  • Silence sur certaines promesses économiques

Par ailleurs, le président élu a diffusé lundi soir un message dans lequel il a présenté les six mesures phares de ses 100 premiers jours au pouvoir. Toutes sont basées sur un « principe fondamental : l’Amérique d’abord ». Donald Trump a notamment annoncé que les Etats-Unis se retireraient du traité commercial transpacifique (TPP), signé en février par douze pays de la région Asie-Pacifique, mais sans la Chine.

A Message from President-Elect Donald J. Trump
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Mais il a fait l’impasse sur deux des promesses présentes dans le « contrat » avec les électeurs américains qu’il avait présenté, le 22 octobre, à Gettysburg, en Pennsylvanie, lieu historique de la guerre de sécession et d’un discours célèbre du président Abraham Lincoln en 1863. Il avait en effet promis la renégociation du traité de libre-échange nord-américain (Nafta). De plus, il avait accusé la Chine de manipuler sa monnaie (sous-évaluation du yuan) à des fins compétitives et, en conséquence, menacé de sanctionner Pékin s’il accédait à la Maison Blanche.

Donald Trump étant adepte des revirements intempestifs, que restera-t-il de ses déclarations faites moins de deux mois avant son entrée en fonction, le 20 janvier 2017 ? Mardi, le jour de son entretien avec le New York Times, n’avait-il pas commencé la journée en annonçant qu’il ne se rendrait à pas à ce rendez-vous, avant de se raviser ?