Illustration : Mathilde Aubier

« Les doubles diplômes d’ingénieur-manageur répondent à une ­demande très répandue parmi nos étudiants qui souhaitent être leur propre employeur », indique Bertrand Raquet, directeur de l’Institut national des sciences appliquées (INSA) à Toulouse, qui propose ce double cursus en partenariat avec la Toulouse Business School (TBS).

Des profils polyvalents

Ces formations séduisent également ceux, de plus en plus nombreux, qui s’engagent dans des études d’ingénieur pas tant par goût pour les sciences et la technique que pour les débouchés qu’elles offrent. « Les jeunes ont un véritable appétit pour d’autres disciplines que celles majoritairement enseignées dans les écoles d’ingénieurs. Le double diplôme est un moyen de le satisfaire », reconnaît Frédéric Fotiadu, président de la commission développement et partenariats de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDefi).

Les recruteurs apprécient « ces profils polyvalents », indique Pierre Lamblin, directeur du département études de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC). Jihane Baciocchini, responsable du recrutement chez Capgemini, abonde dans le même sens :

« Nous recherchons des jeunes diplômés qui ont la bonne posture chez le client, qui connaissent bien ­l’entreprise et qui sont capables de travailler avec des personnes d’autres cultures. »

Le fait d’avoir un double diplôme démontre également une forte capacité de travail et de la curiosité. « C’est un sacré défi de parvenir sur le même temps de formation à suivre deux cursus », avertit Anne-Marie Jolly, vice-présidente de la Commission des titres d’ingénieurs (CTI). C’est aussi un moyen de valider, auprès des entreprises, une compétence ­managériale largement acquise dans le cycle ingénieur. « La formation des Mines Nancy est très complète. Le master en management de l’Institut d’administration des entreprises permet surtout un approfondissement de ­certains points de marketing ou d’économie », témoigne Ael Ragonnet, étudiant en troisième année.

« On trouve plus de cadres parmi ceux qui ont suivi un double cursus », fait valoir Pierre Lamblin, directeur du département études de l’Apec.

Pour autant, un double diplôme ne se traduit pas par une insertion professionnelle nettement plus forte : d’après l’enquête emploi 2013 de l’APEC, 68 % des détenteurs d’un diplôme d’ingénieur sont en poste six mois après la sortie de l’école contre 65 % des doubles diplômés. En revanche, les conditions d’emploi de ces derniers sont meilleures. « On trouve plus de cadres parmi ceux qui ont suivi un double cursus », fait valoir Pierre Lamblin. En l’absence d’étude précise sur le sujet, il est difficile de mesurer l’impact réel du double diplôme sur la rémunération.

Romain Doutre, responsable de la division ingénieurs du cabinet de recrutement ­Robert Walters, n’en conclut pas que le diplôme d’ingénieur soit devenu insuffisant. « Aujourd’hui, la demande du marché porte sur des profils très techniques », affirme-t-il. Et selon Vincent Mattei, chargé du recrutement et de la mobilité chez Thales, l’acquisition d’une double compétence peut même présenter des inconvénients :

« Cela amène des jeunes diplômés à vouloir faire du commerce, de la vente, à occuper des postes de chef de projet. Or, les premiers postes qu’on vous propose à la sortie de l’école sont majoritairement techniques. »

Selon ces deux spécialistes, il serait plus rentable de compléter un diplôme d’ingénieur par une formation en management après quelques années d’expérience. « Les entreprises préféreront toujours le candidat qui a validé un diplôme d’une bonne école qu’il enrichira plus tard par un MBA ou un master spécialisé », argumente Romain Doutre.

« Connaître les codes de l’entreprise »

D’autant que la CTI impose qu’une part ­significative (environ un quart) du temps de formation soit consacrée à un volet « humanités ». « Ce qui, pour un premier poste, est largement suffisant », estime Anne-Marie Jolly, surtout si l’on sort d’une école bien classée. « Pour les étudiants d’écoles d’ingénieurs moins prestigieuses, dans lesquelles les cours d’économie et de management sont peut-être moins développés, il peut être intéressant de suivre en parallèle des études de management. Pour certains étudiants, issus de milieux moins favorisés ou qui souhaitent rejoindre une PME, cela permet de connaître les codes de l’entreprise », poursuit-elle.

Si certains doubles diplômes n’entraînent pas de surcoût financier, pour d’autres, ­l’étudiant doit payer en plus la scolarité d’une école de commerce, soit 10 000 euros en moyenne. Résultat, ces doubles cursus, très exigeants personnellement et souvent financièrement, ne concernent pour l’heure qu’un très petit nombre d’étudiants, environ 5 %.

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