Si la Francophonie œuvre avec persévérance et intelligence à son rayonnement, qu’il soit économique, culturel ou encore scientifique, elle ne peut faire l’impasse sur le sida. Madagascar a l’honneur d’accueillir dans sa capitale le XVIe sommet de la Francophonie les 26 et 27 novembre.

Nous, représentants de la société civile de la lutte contre le sida dans l’océan Indien, sous l’égide du réseau RAVANE OI, nous nous réjouissons de cette opportunité pour mettre en lumière les immenses enjeux de santé publique qu’il reste à relever dans le monde francophone et en particulier dans le monde francophone de l’océan Indien.

Pourquoi ? Parce qu’une pandémie aux effets meurtriers déstabilise, freine, voire paralyse, le développement de toute société. Or, à Madagascar, la situation est particulièrement alarmante. Seulement mille personnes sont actuellement diagnostiquées séropositives sur toute l’île alors qu’elles seraient en réalité 45 000 à vivre avec le VIH, selon les estimations de l’ONU. Madagascar est l’un des pays ayant la cascade de prise en charge la moins efficiente au monde. A chaque étape de la prise en charge, qui va du dépistage jusqu’à la prise régulière du traitement, il y a une perte extrêmement importante de personnes suivies.

Pourtant, la lutte contre le sida a fait de remarquables progrès. A l’échelle de la planète, le nombre de décès a chuté de 42 % depuis le pic de 2004. Le nombre de nouvelles infections a également baissé de 35 % depuis 2000 et même de 58 % parmi les enfants. Résultat, un monde sans sida est désormais envisageable sans attendre l’arrivée d’un vaccin miracle. La feuille de route à suivre : rendre la mise sous traitement systématique afin de raréfier les nouvelles infections et de bloquer la propagation du virus. Les traitements antirétroviraux actuels ont pour effet non seulement de garder les porteurs du virus en bonne santé mais aussi d’empêcher de nouvelles transmissions.

Ruptures d’approvisionnement

A Madagascar, des avancées notoires sont aussi à souligner telles que l’accessibilité à certains examens biologiques déterminants dans la prise en charge des malades. Néanmoins, de graves lacunes persistent comme les ruptures d’approvisionnement en antirétroviraux. Cela survient trop fréquemment : les traitements n’arrivent pas à bon port sur l’ensemble du territoire malgache en raison d’un acheminement inefficace. Les malades se retrouvent sans traitement pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines. Et cela plusieurs fois dans l’année. Certains ont alors pour astuce de couper leur pilule en petits morceaux afin de faire perdurer leur traitement. Une technique illusoire sur le plan médical mais révélatrice de la situation d’abandon dans laquelle se trouvent de nombreuses personnes vivant avec le VIH à Madagascar.

Pis, c’est la santé de tous qui est mise en danger par les ruptures d’approvisionnement. Sans traitements réguliers, les malades peuvent développer et propager des formes plus résistantes du virus.

Quand on voit que les cartes téléphoniques sont disponibles partout dans le pays, y compris dans les endroits les plus reculés, n’y a-t-il pas des solutions à développer pour assurer un acheminement sûr et efficace des traitements contre le sida ? D’autres pays de la zone francophone comme le Mali, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Burundi ou la RDC, permettent aux associations communautaires de dispenser des antirétroviraux par des médecins référents, avec bien souvent de meilleur taux de rétention dans le soin.

Il est urgent d’agir au risque que l’épidémie du VIH n’explose sur l’île.

Nous appelons de nos vœux :

  • Une réelle politique de dépistage ciblant les populations les plus exposées au VIH, qui se base notamment sur l’expertise communautaire et associative ;
  • L’accès efficient aux examens biologiques de base sur tout le territoire malgache : comptage de CD4 et examen de charge virale a minima ;
  • L’accès efficient aux traitements antirétroviraux de qualité sur tout le territoire national malgache pour toute personne qui en aurait besoin, en s’inspirant de l’expérience du secteur privé, comme de celle des associations communautaires.

RAVANE OI est un réseau d’associations et de personnalités engagées dans la lutte contre le sida, créé en 2014 à la Réunion et présent dans les sept îles principales de l’océan Indien (Madagascar, Maurice, les Seychelles, Mayotte, Rodrigues, la Réunion et les Comores).

Sont cosignataires de cette tribune AINGA AIDES, MADAGASCAR SAVE et AFSA (Madagascar), Collectif Arc-en-ciel et PILS (Maurice), Coalition PLUS (réseau international francophone d’associations de lutte contre le sida) Africagay contre le sida (réseau panafricain de lutte contre le sida et de défense des minorités sexuelles), AAS et REVS + (Burkina Faso), ANSS (Burundi), Espace Confiance et Ruban Rouge (Côte d’Ivoire), APCS (Algérie).