La place de la Concorde bloquée plusieurs heures par des forains
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Marcel Campion, surnommé le « roi des forains », a voulu expliquer, jeudi 24 novembre à midi, les raisons du blocage de la place de la Concorde à Paris dans la matinée par une centaine de forains avec leurs poids lourds. Sous la grande roue, objet du litige avec la direction régionale des affaires culturelles d’Ile-de-France (DRAC), et entouré par des personnalités qui ont eu leur heure de gloire médiatique, il s’en prend à un système, à « une alliance de puissants intérêts économiques qui aimeraient chasser les forains des Champs-Elysées et de la place de la Concorde ».

Alors que sa grande roue est installée sur ce haut lieu touristique de Paris depuis vingt-trois ans avec l’accord des maires qui se sont succédé (Jacques Chirac et Jean Tiberi, dont il était proche, Bertrand Delanoë puis Anne Hidalgo), se défend-il, M. Campion, 76 ans, a reçu le 9 novembre un procès-verbal pour occupation illicite des lieux de la part de la DRAC.

Depuis, les choses ont changé. Il a trouvé ce jeudi matin dans sa boîte aux lettres un autre courrier de la DRAC (daté du 18 novembre) l’autorisant à monter sa grande roue à compter du 30 novembre. Il serait donc dans l’illégalité pendant encore quelques jours. « On a reçu de la DRAC deux lettres opposées en quelques jours, déplore son avocate, Me Marie-Alix Canu Bernard. On ne comprend pas. »

Pour soutenir cet homme d’influence, les syndicats de forains ont organisé le blocage matinal de la place. L’objectif était d’attirer l’attention du public sur ce que M. Campion considère être une affaire destinée à le déstabiliser. Mais c’était surtout pour faire venir les journalistes à son point presse du midi. Sans cela, explique-t-il devant un parterre de représentants de médias, « les journalistes ne seraient pas venus. En France, il faut mettre le bordel pour que ça intéresse ».

Artistes, « cultureux » et Philippot

M. Campion aime s’en prendre aux journalistes, même devant eux. Un média a écrit jeudi matin que M. Campion aurait traité les journalistes « d’enculés ». « C’est peut-être pas faux », commente-t-il, l’air amusé, provoquant quelques ricanements et applaudissements. Et des signes d’embarras venant d’un de ses « proches » mêlé aux journalistes, qui cache mal sa contrariété. Celui-ci dira plus tard que M. Campion « n’est pas facile », particulièrement avec les journalistes, a-t-il l’air de sous-entendre.

Marcel Campion semble préférer la compagnie des artistes et des « cultureux ». Après avoir lu les mots de soutien que lui ont adressés quelques stars qui comptent ou ont compté, dont Alain Delon, Gérard Majax, Enrico Macias, Jean-Paul Belmondo ou Franck Dubosc, il annonce la présence à ses cotés de, entre autres, Fabienne Thibeault et Paul-Loup Sulitzer.

Mais c’est une autre personnalité qui attire l’attention ce midi sous la grande roue de la Concorde. Florian Philippot, vice-président du Front national, est le seul élu politique à avoir répondu à son invitation. « Certains diront que les forains votent Front national, explique celui qui, en 2011, applaudissait Marine Le Pen lors d’une visite au Salon Expo forain, à Pontoise (Val-d’Oise). Il y a des forains qui votent FN, oui, mais aussi pour les autres partis. »

M. Philippot ne se fait pas prier pour prendre la parole. « Je trouve ça dommage d’être le seul représentant politique pour défendre une cause. Cette grande roue ne gêne personne et elle apporte un plus à la ville. Elle fait venir du monde, et en plus, le soir, elle est bleu blanc rouge », dit-il. « Je soutiens cette cause et le combat de M. Campion », lâche-t-il, provoquant des applaudissements appuyés, des flashs, des sourires croisés et des tentatives de selfies plus ou moins assurés, pendant que les autres guests prennent le micro presque incognito.

Visé par deux enquêtes judiciaires

Marcel Campion, surnommé le « roi des forains », a voulu expliquer, jeudi midi, les raisons du blocage de la place de la Concorde dans la matinée par une centaine de forains avec leurs poids lourds. | Philippe Euzen

Les élus qui ont décliné l’invitation ont sans doute été refroidis par les autres affaires qui concernent M. Campion. « Depuis la publication par les médias d’une information judiciaire concernant M. Campion, tout le monde s’est mis à l’abri », explique l’avocate de M. Campion,qui sait pourtant s’approcher de personnalités politiques influentes.

Il est en effet visé par deux enquêtes judiciaires, selon Le Canard enchaîné. L’une porterait sur les conditions d’octroi par la Ville de Paris des emplacements de ses attractions, dont la grande roue et le marché de Noël des Champs-Elysées. L’autre concernerait ses activités à la fête foraine des Tuileries et à la Foire du Trône dans le cadre d’une autre enquête instruite par un juge sur des soupçons de « blanchiment de fraude fiscale, abus de confiance et travail dissimulé ».

« Il y a un climat extrêmement pesant sur lui », déplore l’avocate de M. Campion. Elle se dit elle aussi persuadée qu’il y a une volonté « de faire partir les forains, comme on a fait disparaître les jeux », annonce-t-elle, sans pour autant être « dans le truc du grand complot ». « Une bande de filous veut nous faire disparaître », assure, catégorique, Marcel Campion, avant de raconter, l’air sévère, puis moqueur, la perquisition de son domicile en octobre : « Ils ont tout saccagé et ont saisi 300 000 euros. Les policiers ont cru que c’était un magot. Ils ont même pris en photo l’argent. Mais j’en ai beaucoup plus que ça ! »