Plusieurs dizaines de salariés de l’hôtel Pullman ont débrayé le 22 novembre à l’appel de la CGT. | Romain BEURRIER/REA / Romain BEURRIER/REA

Les hôtels de luxe parisiens poursuivent leur lifting, les uns après les autres. Le Ritz, place Vendôme, dont le chantier de rénovation a duré plus de quatre ans, a rouvert ses portes le 6 juin, quelques mois après la fermeture du Crillon, place de la Concorde. Celui-ci ne devrait pas accueillir à nouveau ses très riches clients avant l’été 2017. De son côté, le Pullman Montparnasse, un 4-étoiles géré par le groupe Accor, fermera le 31 août 2017 pour une cure de jouvence d’au moins trois ans. Quant au Lutétia, 4-étoiles aussi, fermé depuis avril 2014, il devrait en principe rouvrir au second semestre 2017.

La crainte des salariés ? Que l’opération rénovation se traduise en liquidation de leur statut et en perte d’emplois

Ces opérations provoquent souvent des remous sociaux. Mardi 22 novembre, entre 70 et 80 salariés sur 460, selon la CGT, premier syndicat du Pullman, ont débrayé et manifesté contre la tournure que prenait la négociation du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), qui doit s’achever le 12 janvier. Leur crainte ? Que l’opération rénovation se traduise au final en liquidation de leur statut et en perte d’emplois. La CGT a demandé à l’avocat Fiodor Rilov de saisir le tribunal de grande instance de Paris en référé pour obtenir la suspension de la restructuration.

Détachements ou transferts ?

Durant les négociations préfermeture, tous ces hôtels de luxe ont connu des mouvements sociaux et des actions en justice. Des accords ont finalement été trouvés après sept ou huit mois de discussion, sauf au Lutétia. Cet hôtel a pu s’en passer grâce à la loi de ­sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, qui venait de passer. Elle permet à l’employeur, en l’absence d’accord après quatre mois de négociation, de passer en force avec un plan unilatéral. Une sorte de « 49.3 » du social.

Dans les hôtels n’appartenant pas à des chaînes, aucun reclassement n’a pu être proposé. Ainsi, au Ritz, propriété de l’homme d’affaires égyptien Mohamed Al-Fayed, qui employait 475 salariés, l’hôtel a signé un accord en 2012 prévoyant un plan de départs volontaires (PDV) avec priorité de réembauche à la réouverture. Sur les 440 salariés dont le contrat a été rompu, 93 n’ont pas voulu adhérer à ce plan – qui leur offrait pourtant une prime majorée – et ont fait l’objet d’un licenciement économique.

« Je pense que c’est par choix personnel, par conviction syndicale, ou bien ces personnes n’avaient pas confiance dans le fait qu’on les reprendrait parce qu’elles étaient parties “volontairement” », suppose Suzanne Côté-Peover, directrice des ressources humaines.

Au final, « 205 salariés ont désiré revenir pour la réouverture, précise-t-elle. Ils ont repris leurs postes. Les clients sont contents de les retrouver. »

Au Crillon, propriété d’un membre de la famille royale saoudienne, « l’accord de fermeture ne prévoyait aucun licenciement pour motif économique des collaborateurs mais leur maintien dans l’emploi », indique le groupe américain Rosewood, son nouveau gestionnaire. « Un accord intéressant », se félicite Laurent Giraudeau, secrétaire du comité d’entreprise et délégué CGT, premier syndicat.

Un PDV était proposé, auquel 154 salariés sur 300 ont adhéré, ainsi que des détachements pour des missions dans d’autres établissements ; qui ont toutefois été très peu nombreux, selon la CGT. « Si on ne trouvait pas de missions, précise le délégué, on restait à la maison en percevant l’indemnité de chômage partiel, complétée par l’hôtel » pour ne pas y perdre.

« Garantie de réembauche »

Au Pullman Montparnasse, qui fait partie d’Accor, la direction ne veut pas entendre parler des détachements, que réclament tous les syndicats. Outre un PDV, elle propose le « transfert » des contrats de travail vers d’autres unités du groupe. La différence ? « En détachement, un salarié conserve son contrat de travail avec le Pullman et est assuré de revenir y travailler après les travaux, alors qu’avec un transfert il a un nouvel employeur, un nouveau statut », explique Claude Lévy, responsable du syndicat CGT des hôtels de prestige et économiques.

Force ouvrière (FO), deuxième syndicat, n’avait pas appelé au débrayage.

« On continue à négocier. Ensuite, indique Mujahid Shah, délégué syndical FO, s’il le faut, on ira dans la rue, devant les tribunaux. »

Se voulant rassurant, Patrick Arnoult, directeur de l’hôtel, affirme avoir la « capacité de proposer à tous des postes dans le groupe Accor. Chacun aura la même qualification qu’au Pullman, le même salaire brut, le même statut ». Deux offres de reclassement interne leur seront proposées. En cas de refus de ces postes ou d’échec de la « période probatoire de deux mois », le salarié sera licencié. Mais de quelle période probatoire s’agit-il ? Pour la direction, « seul le salarié pourra y mettre fin ». Or, le code du travail prévoit que chacune des deux parties peut le faire.

Pour la réouverture, la direction « donne une garantie de réembauche », avec le « salaire brut » d’origine « augmenté de l’inflation ». Mais quid du statut (les 35 heures, par exemple) ? Et quel sera l’effectif ? M. Arnoult dit qu’il aura besoin de « 300 à 400 salariés en 2020, selon la situation économique ». « Mais à la 4e ou 5e année de réouverture, ajoute-t-il, j’espère retrouver l’effectif » initial de 460. « C’est d’un flou total, déplore Claude Lévy. Les salariés n’ont pas confiance. »