François Fillon et Alain Juppé, jeudi 24 novembre sur France 2, lors du débat de l'entre-deux-tours de la primaire de la droite. | France 2/Capture d'écran

Editorial. Pour ses initiateurs, et François Fillon ne manque jamais de rappeler qu’il fut de ceux-là, la primaire de la droite aura donc été jusqu’au bout un exercice réussi : après les guerres fratricides qui ont divisé ce camp lors de la plupart des élections présidentielles depuis des lustres, il s’agissait de désigner clairement le champion de la droite pour 2017. Ce n’était pas forcément gagné. Au lendemain du premier tour, dimanche 20 novembre, le ton était assez monté entre les deux finalistes pour que le risque existe de voir leur confrontation télévisée, jeudi 24 novembre, tourner à la foire d’empoigne. Il n’en a rien été.

Les deux hommes ont assez d’expérience pour savoir que, dès le soir du second tour, dans deux jours, la droite dans son ensemble devra se rassembler autour de son candidat si elle veut l’emporter en 2017 et faire face à la menace exercée par le Front national. En outre, il est certain que, depuis une quinzaine d’années, les débats de la droite étaient dominés et bien souvent électrisés par Nicolas Sarkozy. L’élimination de l’ancien président au terme du premier tour a indéniablement contribué à l’allure plus policée du face-à-face de jeudi soir.

Cette confrontation n’en a pas moins été éclairante. Aussi bien pour les électeurs qui iront voter dimanche 27 novembre que, plus largement, pour l’ensemble des Français qui devront choisir le prochain président de la République dans cinq mois. Elle a d’abord mis en lumière les fortes convergences entre les deux candidats à la candidature sur l’orientation générale de la politique économique et sociale qu’ils proposent.

Nuances significatives

L’un et l’autre entendent réduire d’une centaine de milliards d’euros en cinq ans la dépense publique, relancer la croissance en baissant de façon significative les charges, notamment fiscales, qui pèsent sur les entreprises, sortir des 35 heures et donner aux entreprises la possibilité de négocier le temps de travail en fonction de leurs besoins. Tous deux programment le report à 65 ans de l’âge de départ à la retraite. L’on pourrait multiplier les exemples de cette concordance de vues, logique dès lors qu’ils appartiennent à la même famille.

Pour autant, les différences de méthode et de tempo – et, au-delà, de tempérament – entre les deux postulants ont été confirmées. Porté par son score plus qu’encourageant du premier tour (44,1 % des voix, contre 28,6 % à son concurrent), François Fillon a continué à afficher un volontarisme sans états d’âme. Il veut agir vite et fort, bousculer pour réussir et rompre avec des prudences qu’il n’est pas loin de qualifier de pusillanimités. C’est, à ses yeux, la bonne réponse à l’inquiétude, voire à la « colère » des Français. Trop vite, trop fort, imprudent voire irréaliste (notamment sur l’ampleur de la réduction du nombre de fonctionnaires), lui a rétorqué Alain Juppé, qui se veut plus soucieux de ne pas braquer une société fragilisée par la crise.

Ces nuances significatives offrent donc un choix clair aux électeurs. On peut savoir gré aux deux candidats, surtout si l’on songe au niveau accablant des débats récents en Grande-Bretagne sur le Brexit ou lors de la présidentielle américaine, d’avoir engagé une confrontation sérieuse, où les mots, les chiffres et les propositions sont étayés et maîtrisés. Cependant, on peut regretter que cette maîtrise technique ait laissé trop peu de place à leur vision respective de la place de la France dans le monde dans cinq ou dix ans.