Si la réalité virtuelle est une des tendances fortes du secteur jeu vidéo, seul un studio français sur cinq développe des jeux pour ce nouveau support. | JAE C. HONG / AP

Un secteur en pleine croissance, qui embauche et qui a foi en l’avenir : c’est ce que dit, à propos du jeu vidéo français, le rapport résolument optimiste remis jeudi 24 novembre à Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat chargée du numérique, par le Syndicat national du jeu vidéo (SNJV). Un rapport qui souligne toutefois la raréfaction des contrat à durée indéterminée (CDI) dans un secteur qui, de plus en plus souvent, fait appel à des prestataires.

Symboliquement, la cérémonie a eu lieu au dernier étage du studio parisien Amplitude, société de développement florissante rachetée par le grand groupe informatique Sega cet été et dont les soixante employés planchent actuellement sur Endless Space 2, leur quatrième titre.

Le rapport, réalisé en collaboration avec l’institut Idate Digiworld, dresse ainsi le portrait d’une l’industrie composée de 750 studios professionnels, et rappelle qu’il existerait par ailleurs près de 10 000 développeurs indépendants ou amateurs, absents de cette étude mais toujours plus nombreux.

La France de plus en plus attractive

La première bonne nouvelle concerne l’emploi : la création, en 2016, de 750 équivalents temps plein, soit une moyenne d’un poste par entreprise. Les entreprises, à 62,1 %, pensent voir leur chiffre d’affaires augmenter dans les douze prochains mois, et 51 % d’entre elles devraient en conséquence recruter en 2017, dont 44 % en CDI. Seuls 3,9 % envisagent de réduire la voilure.

« L’industrie du jeu vidéo est traditionnellement dominée par la création, mais de plus en plus d’entreprises se lancent dans l’édition », se félicite par ailleurs Julien Villedieu, délégué général du SNJV, qui souligne une nouvelle dynamique économique.

Les chefs d’entreprise interrogés se montrent de plus en plus optimistes : ils sont 77,9 % à se dire confiants en l’avenir de l’industrie, contre 65 % en 2015, et 44,5 % il y a seulement deux ans. Les nouvelles aides n’y sont peut-être pas étrangères : 72 % trouvent les aides de l’Etat plutôt, voire très satisfaisantes. Si le Canada reste de loin le pays le plus attractif pour les développeurs français, la France est désormais vue par ses créateurs comme le troisième pays le plus attractif du monde, plus très loin derrière les Etats-Unis.

Dans le même mouvement, le SNJV et Axelle Lemaire se sont félicités que l’attractivité de la France ne s’arrête pas au périphérique parisien, vantant un « modèle à la française », moins vertical : des pôles importants existent ainsi en région Occitanie (86 entreprises) et Auvergne-Rhône-Alpes (78 entreprises), ou, dans une moindre mesure, en Pays de la Loire (49), Hauts-de-France (49), Nouvelle-Aquitaine (48), PACA (40), Bretagne (22) et Grand Est (20). L’industrie est cependant largement centralisée, la moitié des entreprises du secteur restant concentrée en région parisienne.

Salariés précaires

Pour autant tout n’est pas rose dans l’industrie du jeu vidéo en 2016. Ainsi, le marché français reste essentiellement tourné vers lui-même : 42,6 % des chiffres d’affaires des studios sont réalisés à l’international, alors même qu’il s’agit d’un secteur ultramondialisé, à la production largement dématérialisée, qui ne connaît que peu de frontières physiques. Un chiffre qui a tout de même progressé de près de 5 points depuis l’année dernière.

« Peut mieux faire » aussi pour l’emploi des femmes dans l’industrie : elles ne représentent que 14 % des effectifs des studios de développement, contre 10,6 %, il est vrai, en 2014. « Il faut plus de femmes en position de direction, rappelle Axelle Lemaire. Pas simplement pour une question de représentation mais aussi pour participer à la diversité de la création. »

Les chiffres de la bonne santé des entreprises du secteur doivent aussi être amendés : ainsi, le chiffre d’affaires moyen des entreprises interrogées serait en baisse de 13,2 % : une érosion que le SNJV explique cependant par la multiplication de microentreprises, qui font mathématiquement baisser la moyenne.

Si elle semble optimiste quant à son avenir, on constate tout de même, dans le détail, la fragilité de l’industrie du jeu vidéo. Ainsi, les entreprises vieilles de plus de cinq ans ne représenteraient plus que 38,8 % de celles du secteur, contre 44,5 % l’année dernière. Plus inquiétant : elles n’emploieraient dans leur ensemble que 58,5 % de CDI, contre 70,4 % il y a seulement deux ans. Une précarisation qui se fait souvent au profit des contrats de free-lances ou de prestataires.